Le directeur général de la RTK, Mentor Shala, a pris la décision jeudi 26 mars de licencier le président du syndicat de la RTK, Fadil Hoxha et Arsim Halili, rédacteur en chef adjoint. Tous deux avaient dénoncé, au nom du syndicat de la RTK, des irrégularités et des cas de censure commis par la direction. Au cours des derniers mois, ces deux syndicalistes s’étaient déclarés "en faveur du retour de la RTK au public". Ils avaient aussi demandé à ce que la RTK cesse de suivre un agenda politique.
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Nous craignons fortement que ces deux licenciements n’aient pour objet de faire taire les critiques à l’encontre de la direction de la RTK, notamment sur l’existence d’une censure au sein de la radio-télévision publique, déclare Lucie Morillon, directrice des programmes de Reporters sans frontières.
Nous appelons le conseil d’administration de la RTK à annuler les licenciements de Fadil Hoxha et d’Arsim Halili. Les deux employés ont dénoncé des pratiques, notamment de censure, qui méritent une enquête approfondie pouvant remettre en cause le mandat de Mentor Shala. Dans un tel contexte, les motivations de la direction de la RTK paraissent fallacieuses.”
Mentor Shala a justifié leurs licenciements en déclarant que les deux salariés “
avaient porté atteinte à l’image de la RTK”. Dans une déclaration, il a expliqué que Fadil Hoxha “
représentait potentiellement un risque important pour la RTK”, en ajoutant qu’“
il avait violé de manière répétée la réglementation sur la responsabilité matérielle et disciplinaire, en échouant à remplir ses devoirs précisés dans son contrat de travail”. Il est aussi accusé de “
s’être exprimé publiquement, sans autorisation, en donnant une image négative de la RTK”.
Mentor Shala précise que le licenciement d’Arsim Halili fait suite à un manquement ”
à ses obligations”. Le journaliste se serait “
attaqué publiquement (à la RTK), à travers des déclarations non autorisées”, dans lesquelles il “a
présenté des mensonges et a causé du tort à l’image de la RTK”. Le directeur général lui reproche aussi d’avoir “
violé le règlement en matière de responsabilité matérielle et disciplinaire, en ignorant des requêtes écrites de son supérieur direct”.
De son côté, le syndicat a affirmé que les deux hommes s’étaient au contraire engagés dans une démarche visant à rétablir l’image de la RTK. Plusieurs manifestations pour demander l’annulation des deux licenciements ont été organisées par le syndicat.
La décision de les licencier a été prise le jour où le Parlement avait prévu de débattre de la situation de la RTK et de ses problèmes de gestion soulevés par le syndicat, qui demandait aux parlementaires un changement de direction. Jeudi 2 avril, le Parlement a adopté plusieurs recommandations sur la RTK, en demandant notamment à ce que le Conseil d’administration “se penche” sur le cas de Fadil Hoxha et d’Arsim Halili.
Manque d’indépendance
La Radio-télévision du Kosovo (RTK) est la principale compagnie de radio-télévision publique du Kosovo. Elle dispose d’un budget de 10 millions d’euros voté par le Parlement. Au cours de ses 15 années d’existence, la RTK a évité de traiter de certaines affaires, notamment liées à la mauvaise gestion, à la corruption et au crime organisé au Kosovo, un pays souffrant pourtant de ce type de dérives.
En 2014, le syndicat de la RTK qui, avec ses 400 membres, représente le plus grand syndicat du groupe audiovisuel public, avait saisi le Parlement sur des problèmes de mauvaise gestion de la société. Son conseil d’administration avait en effet fourni des chiffres contradictoires en matière de dettes et de revenus, avec des écarts de trois à cinq millions d’euros. Fadil Hoxha avait alors été auditionné sur ces questions.
Le président adjoint du syndicat, Arsim Halili, fait partie d’un groupe de 12 rédacteurs en chef adjoints qui, au début du mois de mars, ont critiqué publiquement le rédacteur en chef de la RTK et un autre rédacteur adjoint, qu’ils accusent d’avoir exercé des pressions sur leurs collègues. Le renouvellement de leur mandat en mars 2015 avait déclenché une vague de protestation au sein de la RTK. Le conseil de direction avait fini par annuler ce renouvellement.
Le Kosovo figure à la 87ème position sur 180 pays au
Classement mondial de la liberté de la presse 2015 publié par Reporters sans frontières.
(© Photo : KOHA)