Kosovo : face à la multiplication des attaques contre les journalistes, RSF demande aux autorités nationales et internationales de mieux les protéger
Dans le contexte des tensions politiques entre les gouvernements à Pristina et à Belgrade, au moins six équipes de médias ont été attaquées par des individus non identifiés dans la partie nord du Kosovo. Reporters sans frontières (RSF) appelle la police du Kosovo, ainsi que les forces internationales présentes dans le pays, à garantir le droit à l’information.
Mise à jour du 30/12/2022 : De nouvelles attaques ont eu lieu la semaine du 26 décembre 2022. Le 27 décembre, la journaliste de Top Channel, Leonita Bajrami, a été ciblée par un jet d'explosifs pyrotechniques lors d'un reportage en direct du quartier bosniaque de Mitrovica, où une nouvelle barricade avait été érigée plus tôt dans la matinée. La journaliste s'est enfuie dès qu'elle s'est aperçue de la présence d'explosifs.La veille, une équipe de journalistes de Klan Kosova composée des journalistes Qëndresa Bellagoshi et Drin Demiri, du cameraman Agon Bejtullahu et du chauffeur Elsad Sinani a été attaquée lors d'un reportage dans la municipalité de Zubin Potok dans le nord du Kosovo. Des individus masqués ont jeté des pierres sur l'équipe et brisé les vitres de leur voiture. La journaliste Qëndresa Bellagoshi ainsi que le chauffeur ont dû recevoir des soins médicaux après avoir été blessés au visage par des éclats de verre.
"Le signal d’alarme envoyé par la multiplication des attaques contre les journalistes au nord de Kosovo doit être pris très au sérieux par la police du Kosovo, ainsi que par la KFOR (Force pour le Kosovo mise en place par l’OTAN) et l’EULEX (European Union Rule of Law Mission in Kosovo), avant qu’un nouveau drame ne survienne. Nous les appelons à mener une enquête rapide et approfondie sur ces crimes, et à prendre de nouvelles mesures de protection en coordination avec les associations des journalistes représentant les deux communautés ethniques.
Des journalistes ont été attaqués au moins quatre fois depuis mi-novembre au nord du Kosovo, dans le contexte d’un différend politique autour des plaques d’immatriculation. Celui-ci oppose les gouvernements du Kosovo, qui a déclaré l'indépendance en 2008, et de la Serbie, qui refuse de reconnaître cette indépendance et exerce une influence politique sur la partie nord, habitée par des Serbes.
La dernière agression de journalistes a eu lieu le 19 décembre dernier : l’équipe de la chaîne Klan Kosova a été ciblée par des jets de pierres et des insultes venant d’un groupe d’hommes cagoulés. Identifiables grâce au signe “Press” sur leur voiture, le journaliste Haris Ademi, le caméraman Agon Bejtullahu et le chauffeur Elsad Sinani faisaient un reportage sur les barricades érigées dans la municipalité de Zubin Potok.
Auparavant, le 10 décembre, alors que la journaliste Doruntina Bylykbashi couvrait en direct le blocage des routes dans la ville de Mitrovica Nord pour RTV Dukagjini, une explosion a été déclenchée à proximité de l’équipe de la chaîne.
La veille, dans la même ville, des individus cagoulés ont pris pour cible la voiture marquée “Press” du site anti-corruption Kallxo.com. Le journaliste Shkodrane Dakaj et le producteur Valdet Salihu, venus à Mitrovica Nord pour réaliser un reportage sur le redéploiement des forces de la police du Kosovo après la démission de 500 officiers serbes, sont parvenus à s’enfuir.
Les trois attaques n’ont pas fait de blessés, contrairement à celle à l’origine de cette vague. Elle a eu lieu le 17 novembre : le caméraman du site d’information Insajderi, Jetmir Muji, a dû être transporté à l'hôpital après une attaque physique. Il travaillait sur un sujet à Mitrovica Nord avec le journaliste Visar Duriqi, lorsqu’ils ont vu un groupe d’élèves kosovars attaqués par des individus serbophones. Afin d'enregistrer cet incident, Jetmir Muji s’est approché avant d’être pris à partie par l’un des agresseurs. A la suite des blessures infligées au caméraman et à un élève, une enquête a été ouverte par la police du Kosovo, connue pour engager des poursuites efficaces en matière de crimes contre les journalistes.
Selon les informations de RSF, au moins une équipe de journalistes a été retirée du terrain, jugé trop risqué par la direction du média dans le contexte de ces attaques. Ces menaces qui pèsent sur la profession mettent en question le droit à l’information sur les événements de ce pays marqué par la guerre de 1999, et qui souhaite aujourd’hui intégrer l’Union européenne.
Membre de la mission commune de plusieurs organisations au Kosovo des 15 et 16 novembre derniers, RSF a porté auprès des autorités la demande de mise en place d’un mécanisme d’alerte rapide pour les journalistes attaqués en reportage, que l’Association des journalistes du Kosovo (AGK) réclame depuis plusieurs années. “La sécurité de l’ensemble des journalistes couvrant le Kosovo du Nord reste une source de vive inquiétude”, constate la déclaration commune de la mission.
Le Kosovo occupe la 61e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.