Inquiétante disparition de Sajid Hussain, un journaliste pakistanais exilé en Suède

Après la disparition d’un journaliste pakistanais exilé en Suède,
Reporters sans frontières (RSF) demande à la police suédoise de tout mettre en œuvre pour le retrouver, et de privilégier le scénario d’une disparition forcée commanditée par les services de renseignement pakistanais.

Cela fait bientôt un mois que sa famille et ses collègues sont sans nouvelle. Le rédacteur en chef du site Balochistan Times, Sajid Hussain, a disparu le 2 mars dernier, après avoir pris vers 11 h 30 un train allant de Stockholm à Uppsala, un parcours de 70 kilomètres.


Selon la police suédoise interrogée par RSF, le journaliste est arrivé à destination 45 minutes plus tard. Il a récupéré les clés de son nouvel appartement, où il s’est rendu pour déposer des effets personnels. A partir de là, plus rien. Son épouse, Shahnaz Baloch, vivant au Pakistan, devait le rejoindre quelques jours plus tard.

 

“La disparition de Sajid Hussain est très inquiétante, note Erik Halkjaer, président de la section suédoise de RSF. Nous appelons les autorités suédoises à considérer avec le plus grand sérieux la disparition de Sajid, et de mener une enquête complète. Compte tenu des récentes attaques et intimidations dont ont été victimes plusieurs journalistes pakistanais vivant en Europe, on ne peut écarter la possibilité que sa disparition soit liée à son travail.”

 

Faisceau de présomptions

 

“Tout porte à croire qu’il s’agit d’une disparition forcée, complète Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Si l’on s'interroge sur l’identité de ceux qui auraient intérêt à faire taire un journaliste dissident, la première hypothèse est celle des services secrets pakistanais. Compte tenu des articles publiés par Sajid Hussain, qui franchissait régulièrement les ‘lignes rouges’ imposées par l’establishment militaire d’Islamabad, un solide faisceau de présomptions nous conduit à demander à la police suédoise de privilégier ce scénario.”

 

Le Balochistan Times publié par Sajid Hussain traitait notamment des violations des droits de l’homme au Baloutchistan. Dans cette province du sud-ouest du Pakistan, secouée par plusieurs mouvements rebelles, l’armée ne tolère pas que des journalistes publient des informations différentes du discours officiel, comme RSF l’avait démontré à l'automne 2017.

 

Selon des informations confidentielles obtenues par RSF, une liste de dissidents pakistanais réfugiés à l’étranger circule actuellement au sein de l’Inter-Services Intelligence (ISI), les tout-puissants services de renseignement pakistanais.

 

Menaces de mort


Le 2 février dernier, le blogueur Ahmad Waqass Goraya, exilé aux Pays-Bas, a été attaqué et menacé de mort devant chez son domicile de Rotterdam par deux individus s’exprimant en ourdou. “Cette attaque correspond clairement au modus operandi des services secrets pakistanais, avait-il affirmé à RSF. Il avait déjà été victime d’un enlèvement en janvier 2017, et torturé  selon ses mots par “une institution gouvernementale en lien avec l’armée”.

 

RSF a établi qu’au moins deux autres journalistes pakistanais réfugiés dans des pays européens sont actuellement soumis à des pressions de l’ISI, à travers des intimidations exercées sur les membres de leur famille restées au Pakistan.

 

La section suédoise de l’organisation a noté l’année dernière une recrudescence des tentatives d’intimidation contre des journalistes issus de régimes autoritaires en exil en Suède, plusieurs de ces reporters sont d’origine iranienne.

 

Le Pakistan se situe à la 142e position sur 180 pays dans l’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse publiée par RSF. La Suède se trouve à la 3e place.

Publié le
Mise à jour le 30.03.2020