Indonésie : RSF réclame une enquête indépendante après la mort d’un journaliste en détention

Détenu depuis le 5 avril, le journaliste Muhammad Yusuf est décédé le 10 juin dans la ville de Kotabaru, dans le sud de l’île de Bornéo. Reporters sans frontières (RSF) exige que les autorités indonésiennes diligentent une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur ce décès.

Une accumulation d’irrégularités entretient des doutes persistants sur la mort en détention, le 10 juin dernier dans la province du Kalimantan du Sud, du journaliste Muhammad Yusuf. Jeté en prison le 5 avril pour diffamation, il s’était rendu célèbre pour ses enquêtes sur des affaires d’expropriations illégales liées aux activités d’une société de production d’huile de palme, la MSAM. De novembre 2017 à mars 2018, il avait publié pas moins de 23 articles sur ce conflit sur le portail d’informations Kemajuan Rakyat et sur le site Berantas News.


Arrêté alors qu’il était sur le point de s’envoler pour Jakarta afin de rencontrer la Commission nationale des droits de l’homme, le journaliste a passé au total deux mois en détention avant de succomber, selon la police, à une crise cardiaque. Pris de douleurs à la poitrine, de vomissements et de difficultés à respirer, Muhammad Yusuf, qui avait besoin d’un suivi médical, a été transféré à l’hôpital de Kotabaru mais n’a pu être sauvé.


“Nous demandons au gouvernement indonésien et à la Cour suprême de garantir une enquête parfaitement indépendante et de tout mettre en œuvre pour que la lumière soit faite sur les circonstances du décès du journaliste, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Il en va de la crédibilité de l’Etat de droit indonésien, tant cette affaire comporte des zones d’ombre. Enquêtes qui dérangent, collusions, manque de transparence… Un inquiétant faisceau de présomptions tend clairement à laisser penser que c’est à cause de son travail que Muhammad Yusuf a trouvé la mort.”


Lourdes suspicions


L’épouse du journaliste, Arvaidah, a demandé à trois reprises la suspension de sa détention en raison de son état de santé inquiétant. Après son décès, elle s’est vu refuser l’accès à la morgue et aux résultats de l’autopsie. Convaincue que la mort de son mari n’est “pas naturelle”, elle a porté plainte contre la police et le bureau du procureur, coresponsables de la détention du journaliste. De lourdes suspicions pèsent en effet sur l’indépendance de ces institutions, dans la mesure où le gouverneur de la province du Kalimantan du Sud n’est autre que l’oncle du magnat qui possède la société MSAM, incriminée dans les articles du reporter. Selon le site de référence Tempo, une vidéo du corps du journaliste montre que des coups lui auraient été portés à la nuque.


Autant de révélations nébuleuses qui ont finalement poussé la Commission nationale des droits de l’homme d’Indonésie à s’auto-saisir la semaine dernière pour ouvrir une enquête.


L’Indonésie se situe à la 124e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2018.

Publié le
Mise à jour le 27.06.2018