Huis clos pour le procès des assassins d'Anna Politkovskaïa : “Une décision honteuse” selon le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta

Reporters sans frontières exprime sa totale incompréhension et son immense déception face au revirement du juge présidant le procès des assasins d'Anna Politkovskaïa. Le 19 novembre, celui-ci a annoncé que les audiences se dérouleraient à huis clos. Reporters sans frontières a recueilli ls réactions de la famille et des collègues de la journaliste assassinée le 7 octobre 2006 à Moscou.

Le 19 novembre 2008, Reporters sans frontières a appris avec une totale incompréhension et une immense déception que le juge présidant le procès des assassins d'Anna Politkovskaïa, Evgueni Zoubov, était revenu sur sa décision du 17 novembre d'ouvrir les audiences à la presse et au public. L'organisation a recueilli les réactions du fils de la journaliste, Ilya Politkovskiy, et du rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, Dmitri Mouratov. Interrogé par Reporters sans frontières, Ilya Politkovskiy a déclaré qu'il n'entendait pas contester l'exigence des jurés de voir le procès se dérouler à huis clos. “Je suis moi aussi opposé à ce que le procès se déroule dans un grand désordre. Mais un consensus aurait pu être trouvé, en laissant les journalistes accéder à la salle d'audience en plus petit nombre que lundi”, a-t-il précisé. Dmitri Mouratov a, quant à lui qualifié cette décision de “honteuse”. “Nous nous attendions à cela”, a déclaré le rédacteur en chef du bihebdomadaire pour lequel travaillait Anna Politkovskaïa. Selon lui, la décision d'ouvrir le procès, prise le 17 novembre, était motivée par la présence dans la salle du rapporteur pour les droits de l'homme, Vladimir Loukine. “En seulement deux jours, ils ont trouvé un subterfuge pour fermer le procès. C'est un jeu politique et d‘intrigues”, a poursuivi le journaliste. Il a précisé que le procès serait suivi dans les pages du journal et qu'“ainsi, il serait ouvert”. “La position des jurés doit être entendue mais le huis clos total n'est pas la solution adaptée. Cette décision ne fait que renforcer les doutes quant à la volonté des autorités de faire toute la lumière sur cette affaire et de lutter contre l'impunité des assassins de journalistes. C'est déplorable”, a déclaré Reporters sans frontières. Le 19 novembre, alors que l'examen de l'affaire de l'assassinat de la reporter devait débuter devant un tribunal militaire de Moscou, en présence de nombreux journalistes, les jurés ont transmis une note au juge Evgueni Zoubov, dans laquelle ils expliquaient refuser de se rendre dans la salle d'audience tant que la presse serait présente. Le magistrat a alors décidé de la fermeture du procès. Les avocats des deux parties ont protesté contre cette décision. Selon le site d'informations en ligne Gazeta.ru, Mourad Moussaïev, le défenseur des accusés, a déclaré qu'“il n'y avait aucune base légale pour cette décision. Si les jurés avaient fait l'objet de pression, cela aurait été une autre affaire. Mais là ce sont des appareils photo et des caméras, pas des armes”. Pour sa part, Karina Moskalenko, qui représente les parties civiles, a commenté la décision du juge en ces termes : “Nous avions salué la décision d‘ouvrir le procès et les jurés avaient la possibilité de se récuser ou de faire savoir qu'ils avaient reçu des menaces. Il faudrait leur expliquer qu'ils ne doivent pas craindre la presse ou la population russes”.
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Updated on 20.01.2016