Guerre des mots et des chiffres alors que la presse a de moins en moins accès au terrain
Organisation :
Reporters sans frontières est très préoccupée par l'absence totale d'accès aux zones de conflit pour les journalistes, et la "guerre" des mots et des chiffres qui s'installe entre le gouvernement et les Tigres tamouls (LTTE).
"Le bombardement de Padahuthurai a tragiquement démontré que l'absence d'informations indépendantes était préjudiciable à la population et permettait aux deux parties d'alimenter leur propagande. Il est urgent que le chef de l'Etat ordonne à l'armée de laisser les journalistes accéder au théâtre des opérations militaires et aux zones contrôlées par le LTTE. Il est important que ces derniers garantissent également la libre circulation des reporters", a affirmé Reporters sans frontières.
L'organisation demande au président Mahinda Rajapaksa de tout faire pour que les journaux de Jaffna puissent faire acheminer dans les meilleurs délais du papier et de l'encre pour continuer à imprimer leurs exemplaires. En raison de graves entraves à la circulation, la presse locale risque de disparaître.
Les quotidiens Uthayan, Valampuri et Yarl Thinakkural en sont réduits à publier uniquement quatre pages par édition, alors qu'ils en comportent près d'une vingtaine en temps normal. Ils pourraient être contraints de cesser leur publication après le 15 janvier si les autorités, et plus particulièrement l'armée, ne leur permettent pas d'ici là de faire venir du papier et de l'encre de Colombo.
En raison de la fermeture de la route A9 qui relie Colombo à Jaffna, et qui passe par les zones contrôlées par le LTTE, le Nord souffre de graves pénuries. Le prix du papier a triplé au cours des dernières semaines. La population tamoule de la région de Jaffna dépend de ces trois quotidiens pour être informée.
Le quotidien tamoul Uthayan avait été nominé en 2006 pour le prix Reporters sans frontières. Au cours de l'année passée, quatre de ses employés ont été tués à Jaffna et la rédaction a été attaquée à plusieurs reprises. La majorité des journalistes de Valampuri et Yarl Thinakkural ont été menacés de mort pour leur couverture de la situation dans la péninsule de Jaffna.
Au cours des dernières semaines, l'armée et le LTTE ont mené une véritable guerre des mots et des chiffres à propos des opérations militaires en cours. Ainsi, le 2 janvier, l'aviation srilankaise a bombardé ce qu'elle a présenté comme une base militaire du LTTE à Padahuthurai, dans l'ouest du pays. De son côté, les Tigres tamouls ont affirmé que 15 civils avaient été tués lors de cette attaque qui n'aurait, selon eux, touché aucun objectif militaire. Aucun journaliste indépendant n'a pu accéder à la zone. De ce fait, la majorité des médias en cingalais et en anglais de Colombo ont repris, sans pouvoir les vérifier, les informations gouvernementales. Tandis que des sites d'informations et des médias en tamoul reprenaient les informations et les images diffusées par le LTTE. Dans cette affaire, seule la présence sur le terrain de l'évêque de Mannar a permis de confirmer que des civils avaient été tués.
La presse n'est pas non plus autorisée à couvrir les combats qui se déroulent dans la région de Vaharai (Est). Des milliers de civils y sont encerclés par les troupes gouvernementales, et empêchés de fuir par le LTTE.
Depuis plusieurs mois, l'armée empêche la presse d'accéder aux zones de combats et aux régions contrôlées par le LTTE. Reporters sans frontière avait déjà dénoncé cette situation en août 2006. Plusieurs journalistes s'étaient vu refuser par l'armée sri lankaise l'accès à des villes stratégiques, notamment Muttur où des dizaines de civils avaient été tués lors de combats.
Le manque d'information indépendante nourrit les rumeurs et la propagande. Récemment, le journal gouvernemental Daily News a accusé, sans preuves, les médiateurs norvégiens d'avoir offert un poste de télévision au chef du LTTE.
Ces entraves viennent s'ajouter à l'autocensure rendue obligatoire par la restauration, en décembre 2006, des lois antiterroristes. A la fin de l'année, le gouvernement a ainsi projeté d'arrêter Lasantha Wickremathunga, directeur du Sunday Leader, pour avoir révélé la construction d'un luxueux bunker présidentiel. Trois journalistes des médias d'Etat ont été convoqués le même mois par la police. De son côté, le célèbre journaliste d'investigation Iqbal Attas a annoncé qu'il était contraint de s'autocensurer sur des sujets liés aux affaires sécuritaires en raison de la réactivation de la législation antiterroriste.
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Updated on
20.01.2016