Examen périodique universel : la communauté internationale doit rappeler Ankara à ses engagements

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU se penche, le 27 janvier 2015, sur le respect des libertés fondamentales en Turquie. Reporters sans frontières, qui bénéficie d’un statut consultatif auprès des Nations unies, a fait parvenir à l’institution une contribution sur la situation de la liberté de l’information dans le pays. Six mois plus tard, celle-ci continue de se dégrader.

Télécharger la contribution de RSF (juin 2014) Les autorités turques ne cessent de s’éloigner des engagements qu’elles ont pris il y a quatre ans, lors du premier cycle de l'examen périodique universel (EPU). Institué en 2008, ce mécanisme permet de passer régulièrement en revue le bilan des 193 États membres de l'ONU en matière de respect des droits de l’homme. Le deuxième cycle de l’EPU est l’occasion de dresser un premier bilan. “Il y a quatre ans, Ankara avait déclaré que ‘la poursuite des progrès en matière de respect de la liberté de la presse (était) l’un des aspects fondamentaux des réformes’ à venir, rappelle Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. Pourtant, les progrès réalisés depuis lors sont bien faibles au regard de la dérive autoritaire et liberticide du gouvernement. Ce deuxième EPU doit être l’occasion de rappeler aux autorités turques leurs engagements et de les mettre face à leurs responsabilités.” La tutelle de l’armée sur la vie politique a bien été démantelée et un certain nombre de tabous liés à l’héritage kémaliste sont tombés, mais de nouveaux tabous apparaissent et l’exécutif fait preuve d’un autoritarisme croissant. Alors que le carcan législatif hérité de la période militaire n’est que légèrement desserré, les réformes liberticides se multiplient, facilitant notamment la cybercensure et la surveillance généralisée. Les autorités interdisent de plus en plus fréquemment toute mention de certains sujets d’intérêt général. La concentration croissante du secteur médiatique et la progression de l’autocensure attaquent le pluralisme de la presse. Un nombre croissant de journalistes, pris en otages dans les luttes de pouvoir sans merci que se livrent l’exécutif et ses rivaux, sont privés d’accréditation ou poursuivis en justice. Les violences policières à l’encontre des journalistes se perpétuent en toute impunité. Reporters sans frontières appelle de nouveau les autorités turques à : - Réformer le code pénal de façon à dépénaliser les délits de presse et à élargir l’espace du débat démocratique. Abolir notamment les articles 125, 299, 300, 301 et 305 qui criminalisent la critique des institutions d’Etat, et la loi 5816 pénalisant l’atteinte à la mémoire du fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk. - Graver dans la loi le droit à l’information sur des sujets d’intérêt public, afin de contrebalancer les impératifs du secret de l’enquête, de la sécurité de l’Etat et du respect de la vie privée. Garantir le respect du secret des sources journalistiques. - Aller plus loin dans la réforme de la loi antiterroriste de manière à la rendre conforme avec les conventions internationales ratifiées par la Turquie. - Abolir les récentes réformes liberticides, en particulier la loi sur Internet de février 2014 et la loi sur les services de renseignement d’avril 2014. Réformer la législation sur Internet afin de mieux encadrer juridiquement les décisions de blocage et non de faciliter la censure. - Poursuivre la réforme du code des procédures pénales pour faire de la détention provisoire l’exception, inapplicable aux délits de presse. Assurer aux journalistes, comme aux autres justiciables, le droit à un procès équitable. - Assurer la protection des journalistes lorsqu’ils couvrent des manifestations. Traduire en justice les auteurs de violences policières contre les professionnels des médias. - Respecter le pluralisme médiatique et l’indépendance des médias, en s’abstenant notamment de s’ingérer dans leur ligne éditoriale, d’exercer des pressions sur les patrons de presse, ou de distribuer les accréditations en fonction des affinités politiques. S’abstenir de recourir aux “interdictions de publier”. - Donner l’exemple en matière de respect des libertés publiques et de la société civile : mettre un terme aux discours incendiaires à l’encontre des voix critiques, consulter la société civile en amont des réformes, promouvoir l’autorégulation des médias et l’évolution de la culture judiciaire. (Photo: Mustafa Ozer / AFP)
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Updated on 20.01.2016