Escalade des violences contre les journalistes en Équateur : le gouvernement doit d’urgence assurer leur protection

Ayant recensé au moins six cas d’attaques en moins d’un mois, Reporters sans frontières (RSF) alerte sur une augmentation inquiétante des menaces et des agressions contre la presse en Équateur. Le gouvernement équatorien doit adopter d’urgence des mesures efficaces pour garantir la sécurité des journalistes et protéger le droit à l'information.

Depuis fin juillet, RSF a recensé au moins six cas d’attaques visant des journalistes enquêtant sur la corruption dans le contexte de la crise sécuritaire liée à la montée du crime organisé dans le pays. Parmi les armes utilisées le plus fréquemment pour réduire les journalistes au silence : les menaces, les cyberattaques, ou encore l'article 396 du Code pénal qui punit de 15 à 30 jours d'emprisonnement toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, “discrédite” ou “déshonore” une autre personne.

"L'escalade des violences contre les journalistes, en particulier ceux qui enquêtent sur des affaires de corruption, est une tendance inquiétante qui menace la liberté de la presse. De plus en plus forte, la peur des représailles empêche les journalistes de remplir leur mission d'information. RSF appelle le gouvernement de Daniel Noboa à prendre d’urgence des mesures concrètes pour protéger les journalistes et garantir le droit à l’information de la population. Il est également essentiel que toutes ces attaques fassent l'objet d'une enquête approfondie et que les responsables soient traduits en justice."

Artur Romeu
directeur du bureau Amérique latine de RSF

Agressions, menaces, poursuites… Les journalistes sous pression

Les pressions sur les journalistes se multiplient. RSF a recensé au moins six cas emblématiques du climat sécuritaire dégradé pour les professionnelles de l’information : 

  • Les journalistes Andersson Boscán et Mónica Velásquez, journalistes du site d’information La Posta, ont été la cible d’une campagne  de haine sur les médias sociaux, incitant à la violence à leur encontre à la suite de la publication d’une enquête le 22 août dernier sur la possible corruption du bureau du procureur général équatorien avec le trafic de drogue international. Ce dernier avait alors publiquement invectivé les journalistes.  
     
  • Bien qu’il ait porté plainte pour harcèlement, le journaliste de Radio Noticias Cuenca Segundo Cabrera fait quant à lui l'objet de menaces téléphoniques récurrentes en raison de sa couverture des questions liées à la corruption. 
     
  • Le journaliste du site d’information La Defensa Álvaro Espinosa a lui été agressé verbalement et menacé le 13 août sur le réseau social X, suite à la publication, le 5 juillet 2024, d'informations sur les antécédents de Valeria Arroyo, ancienne vice-ministre des Hydrocarbures, et sur ses liens avec un cabinet d'avocats impliqué dans des affaires de corruption.
     
  • Après la publication, le 9 août, d’un article dénonçant le non-paiement des ouvriers dans la construction d'un cimetière, qui a été suivi par l’arrêt du projet, la journaliste du média en ligne Nortvisión Mayra Cora a été accusée par le prêtre chargé des travaux d'avoir provoqué le licenciement de 45 ouvriers. Ce même prêtre a incité les ouvriers à faire pression sur la journaliste pour qu'elle révèle l'identité de sa source.
     
  • Le directeur du site d'information Lo Del Momento LojaJohn Lafebre, a lui été victime d'une série de cyberattaques visant à supprimer de la toile ses enquêtes sur la corruption. Le premier incident s'est produit le 22 juillet 2024, lorsqu'un de ses posts Facebook a été supprimé sans explication. Puis, ce sont quatre autres de ses publications, détaillant des actes de fraude, qui ont été supprimées du réseau social, le 2 août.
     
  • Après avoir enquêté sur des cas de corruption dans le système judiciaire de Guaranda, le journaliste de la chaîne de télévision Teleamazonas et du média en ligne Más Gente Jonathan Quezada a, quant à lui, été poursuivi par le juge mis en cause dans l’affaire, et a été condamné, le 29 juillet, à 15 jours de prison et à une amende en vertu de l'article 396 du Code pénal. Le journaliste a également été menacé à plusieurs reprises après sa condamnation : il a reçu à son domicile une lettre lui indiquant qu’il serait attaqué à la prison de Guaranda.

Les mois précédents, en juin et juillet, l'organisation équatorienne Fundamedios a rapporté 37 attaques contre la presse, la plupart perpétrées par des représentants de l'État. Parallèlement, la fondation locale Periodistas Sin Cadenas a documenté 145 attaques contre des journalistes entre janvier et juillet 2024, allant du blocage des informations à des attaques graves.

À l’instar de José Luis Calderón, journaliste à TC Televisión, qui s'est réfugié aux États-Unis après avoir été pris en otage en janvier 2024, de nombreux journalistes ont dû faire le choix de quitter le pays pour des raisons de sécurité – au moins 15 entre 2021 et 2024 selon les chiffres de l’ONG latino-américaine Connectas.

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