Erythrée

Une dictature brutale, coupée du monde extérieur et de l'univers digital, tente de tenir sa population à l'écart du Web, en employant diverses tactiques : barrières techniques et tentatives d'intimidation des usagers. En cas de troubles, elle n'hésite pas à bloquer l'accès à Internet. Développement très contrôlé d'Internet Le pays, dirigé d'une main de fer par le président Issaias Afeworki, est politiquement et virtuellement coupé du monde. La presse indépendante a été rayée de la carte en 2001. Les médias publics ne font que relayer l'idéologie ultranationaliste du régime. Internet ne fait pas exception : les deux sites officiels, Shabait.com et Shaebia.com, appartenant respectivement au ministère de l’Information et au parti unique, le Front populaire pour la démocratie et la justice (PFDJ), diffusent uniquement la propagande des autorités. Le régime se montre réticent face au développement d'Internet. Son potentiel de diffusion d'informations indépendantes lui fait peur. La population risquerait de bénéficier d'un accès trop important au monde extérieur et à l'opposition basée à l'étranger. Le taux de pénétration, dans le dernier pays africain à se connecter au Net, en 2000, tourne autour de 3 %. Autant dire que la quasi-totalité de la population est exclue de l'ère digitale. Le gouvernement a choisi de ne pas augmenter la vitesse de la bande passante. Un obstacle technique important pour la connexion. Ces dernières années, le gouvernement a mené dans les médias traditionnels – qu'il contrôle totalement – une campagne de dénigrement d'Internet. Le ministre de l'Information a envoyé ses hommes de main participer à des émissions de télévision pour y accuser Internet d'être dédié à la pornographie et à la guerre médiatique, de remettre en cause les valeurs culturelles du pays et de poser des problèmes de sécurité. Suveillance, blocages et coupures d'accès Les quatre fournisseurs d’accès que compte le pays ont obtenu une licence du ministère de l’Information. Ils doivent tous utiliser les infrastructures d’EriTel, qui leur loue sa bande passante et travaille en coopération directe avec les ministères de l’Information et du Développement national. Dès lors, la surveillance du Réseau est aisée. Quand le régime se sent menacé, en périodes de troubles ou d'événement international le concernant, l'entreprise de télécommunications Eritel, à qui appartient l’infrastructure du réseau, n'hésite pas, sur ordre des autorités, à interrompre toute connexion à Internet. Si le gouvernement n'a pas mis en place de filtrage automatique d'Internet, il n'hésite pas en revanche à ordonner le blocage de plusieurs sites de la diaspora, critiques à l'égard du gouvernement. L'accès à ces sites est bloqué par deux des fournisseurs d'accès, Erson et Ewan, tout comme les sites à caractère pornographique, ou bien YouTube. Ce dernier prendrait trop de bande passante, et les deux FAI préféreraient l'allouer de manière plus efficace, et ne pas entrer en conflit avec le gouvernement. Skype serait en revanche accessible. Parfois la surveillance et l'autocensure suffisent. Les deux autres fournisseurs d'accès, Eritel et Tifanus ne bloquent pas les sites de l'opposition tout en sachant que l'immense majorité des internautes n'oseraient jamais les consulter ouvertement par peur d'être arrêtés et emprisonnés. Les rares net-citoyens et webmasters qui ont le courage de créer ou de collaborer à un site indépendant font l'objet de menaces et sont étroitement surveillés. La quarantaine de cafés Internet, en service principalement à Asmara, la capitale, et dans deux ou trois autres villes du pays, constituent la principale source d'accès au Net, l'usage domestique étant très coûteux et quasi nul. Ces cafés sont soumis à une forte surveillance qui s'accroît en périodes de troubles ou lorsque des informations compromettantes pour le régime circulent à l'étranger. Ce fut notamment le cas lorsque les révélations selon lesquelles le Président possède un compte bancaire en Chine ont été relayées par la diaspora.
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Updated on 20.01.2016