En Italie, le journaliste Francesco Cancellato surveillé par un logiciel espion : RSF appelle le gouvernement à s’expliquer sur cette grave menace au secret des sources

Alors que les plaintes contre X pour espionnage du journaliste Francesco Cancellato du média d’investigation FanPage, et de plusieurs activistes se multiplient, le gouvernement italien se perd dans un discours confus. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités italiennes à identifier les responsables de cette atteinte à la liberté de la presse et de clarifier l’utilisation du logiciel espion Graphite sur le territoire national.
Déjà un mois que le journal britannique The Guardian a révélé, le 1er février, l’espionnage du rédacteur en chef du média d’investigation italien Fanpage.it, Francesco Cancellato, et d’au moins 90 autres personnes, par le logiciel Graphite commercialisé par la société israélienne Paragon.
Depuis, les membres du gouvernement Meloni s’embourbent dans des déclarations toujours plus confuses. L’exécutif, par le biais du sous-secrétaire à la Présidence du Conseil, Alfredo Mantovano, a d’abord, le 4 février 2025, nié la surveillance de journalistes avant de refuser, le 17 février, de répondre aux questions des parlementaires sur l’utilisation de Graphite par les autorités italiennes en invoquant le secret d’État. Interrogé par les parlementaires, le ministre de la Justice Carlo Nordio a, pour sa part, déclaré qu’“aucune interception” n’avait été effectuée par ses services en 2024. L’annonce de la société Paragon, qui commercialise le logiciel, sur la rupture de son contrat avec l’État italien a été suivie d’un démenti du gouvernement, puis d’une confirmation par les services de renseignement.
Les autorités italiennes sont-elles impliquées dans cette surveillance ? C'est une enquête de la justice qui doit le déterminer. Le 19 février, la Federazione Nazionale Stampa Italiana, le syndicat italien des journalistes, a porté plainte contre X pour l’interception et accès illicite à des données personnelles dont a été victime Cancellato. Il a lui-même porté plainte auprès du procureur de Palerme une semaine plus tôt. En dehors du fait que la surveillance a duré jusqu’en décembre 2024, le journaliste n’en connaît ni la durée, ni le commanditaire.
"La surveillance de Francesco Cancellato constitue une grave menace au secret de sources, une pierre angulaire de la liberté de la presse, protégée désormais par le règlement européen sur la liberté des médias (EMFA). Nous appelons les autorités italiennes à en identifier et sanctionner les responsables qu’ils soient italiens ou étrangers. Quant au gouvernement de Giorgia Meloni, il doit fournir des éclaircissements, en toute transparence devant le parlement et le public, sur l’utilisation par les autorités nationales du logiciel espion Graphite sans utiliser le prétexte abusif de ‘secret défense’.
Le rédacteur en chef de Fanpage.it - qui avait dévoilé, en juin 2024, la profusion de propos racistes et antisémites ainsi que la présence de militants s’identifiant comme “fascistes” dans le groupe de jeunesse du parti au pouvoir, Fratelli d’Italia - est, à ce jour, le seul journaliste qui a révélé avoir été espionné. Des militants italiens venant à l’aide aux migrants et critiques du gouvernement Meloni ont également porté plainte pour surveillance par Graphite. C’est l’application Whatsapp, propriété de Meta, qui a alerté et mis un terme à cette campagne d’espionnage globale visant au moins 90 personnes, dont des journalistes et activistes. Des ressortissants de 13 autres pays européens seraient ciblés : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, le Danemark, l’Espagne, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède et la Tchéquie.
L’Italie est classée 46e au Classement de la liberté de la presse de RSF établi en 2024.
Journalistes, vous craignez d’être sous surveillance ? RSF propose aux journalistes qui le souhaitent de prendre contact avec son service, le RSF Digital Security Lab, créé pour aider à contrer la surveillance subie par les professionnels des médias dans le cadre de leur travail. |