Election présidentielle : le départ forcé d’Anne Nivat révèle la fébrilité des autorités
Organisation :
Reporters sans frontières est consternée d’apprendre que la journaliste indépendante française Anne Nivat a été forcée de quitter le territoire russe, où elle recueillait des informations sur l’opposition en province, le 13 février 2012.
« Il est extrêmement préoccupant qu’au-delà des explications administratives, le Service fédéral des migrations ait cité des raisons politiques pour justifier l’annulation du visa d’Anne Nivat. Est-ce donc un crime, en Russie, de s’entretenir avec des représentants de l’opposition légale et qui ont pignon sur rue ? Il est également choquant de constater que les officiers connaissaient tout des faits et gestes de la journaliste, les jours précédents, dans une région éloignée. Les autorités paraissent de plus en plus fébriles à l’approche d’une élection présidentielle où tout risque de ne pas se passer comme prévu. Jusqu’où cela les conduira-t-il ? », s’est interrogée l’organisation.
Anne Nivat a été conduite au poste de police de Vladimir (Ouest) le 10 février 2012, vers 19h. La journaliste a été interrogée pendant quatre heures par des officiers du Service fédéral des migrations. Ces derniers, évoquant une « infraction administrative », ont finalement annulé son visa d’affaires et l’ont remplacé par un visa de transit, l’obligeant à quitter le pays dans les trois jours. Ils lui ont clairement expliqué que ses rencontres avec des personnalités de l’opposition à Vladimir et en Carélie (Grand Nord) « n’avaient pas plu ».
Anne Nivat, spécialiste reconnue des questions russes et caucasiennes, était retournée dans le pays le 31 janvier dans le cadre de recherches sur l’opposition dans les régions russes. Il n’est pas aisé, pour des journalistes indépendants, d’obtenir un visa de presse. « Il est surtout gênant d’avoir une preuve que depuis dix ans de séjours en Russie, les autorités sont parfaitement informées de tous mes rendez-vous », a déclaré la journaliste à Reporters sans frontières. « Cet incident témoigne d’un raidissement de leur part à la veille d’une élection présidentielle à l’issue imprévisible. »
La campagne pour l’élection présidentielle du 4 mars 2012 se tient dans un climat politique et médiatique inédit. Depuis les élections législatives contestées de décembre 2011, des manifestations d’une ampleur jamais observée depuis la chute de l’Union soviétique se succèdent pour réclamer « des élections justes ». L’opposition est parvenue à se frayer un chemin sur les écrans de la télévision officielle. Plusieurs rédactions semblent osciller entre le retour à une relative liberté de ton et des fins de contrats précipitées. L’affrontement politique fait également rage sur Internet, où se succèdent attaques DDoS, piratages de comptes email et campagnes de propagande.
Publié le
Updated on
20.01.2016