Deux sites débloqués, 1 309 autres toujours inaccessibles

Reporters sans frontières se félicite du déblocage du réseau social MySpace et du site akilli.tv, en date du 6 octobre 2009. Cela fait suite à la résolution des litiges relatifs aux droits d’auteur entre les autorités de ces deux sites et la Société turque de l’industrie phonographique. Malheureusement, les sites lastfm.com.tr et YouTube sont toujours bloqués, car ils refusent de se plier aux conditions de cette même instance. Par ailleurs, depuis novembre 2007, à la suite d’une décision administrative, la Direction de la télécommunication a rendu inaccessibles 1 309 sites. 270 on été bloqués suite à une décision de justice. "Il est inadmissible qu’une autorité administrative décide seule de bloquer un site : la liberté d’expression est un enjeu majeur et nécessite l’intervention d’un juge. Seule une décision de justice est légitime. C’est pourquoi nous demandons le déblocage immédiat de tous les sites bloqués", a déclaré Reporters sans frontières. Ces blocages découlent de l’application de la loi 5651, relative à "l’organisation des publications en ligne et au combat contre les délits commis par le biais de ces publications". Celle-ci permet au procureur d’interdire un site si son contenu est susceptible d’inciter au suicide, à la pédophilie, à l’usage de stupéfiant, à l’obscénité, à la prostitution et s’il contrevient à la "loi d’Atatürk" en vigueur depuis 1951. Si l’interdiction de sites pédopornographiques ou promouvant l’usage de stupéfiants est évidemment justifiée, l’interdiction de sites (ou de tout autre mode de communication) dont le contenu critique d’une manière ou d’une autre Atatürk constitue une atteinte à la liberté d’expression. Ce dernier est décédé, et le préjudice moral de cette personne ne peut de fait être établi. S’il s’agit de sanctionner l’atteinte à la valeur qu’il représente en tant que fondateur de la Turquie actuelle, il convient de rappeler que le pays est signataire de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. A ce titre, l’Etat ne doit pas sanctionner une expression qui choque ou heurte une idée majoritaire et doit tolérer tous les courants d’opinion, notamment politiques, ainsi que les critiques envers l’Etat (Cour européenne des droits de l’homme, arrêt Handyside c. R.U., du 7 décembre 1976) En outre, parmi ces 1 309 sites, beaucoup ne sont ni pornographiques, ni invitant à l’usage de drogues. Il s’agit de réseaux sociaux, de sites de rencontres, de sites de nature politique et culturelle. En Turquie, 65% de la population n’a jamais eu accès à Internet. Reporters sans frontières rappelle que la Turquie se situe à la 102e place sur 173 pays dans le classement mondial sur la liberté de la presse établi en 2008 par l’organisation. ------------------------------------------------------------------- 23.09.2009 - La protection des droits d’auteur prévaut sur la liberté d’expression Depuis la 19 septembre 2009, le réseau social MySpace n’est plus accessible en Turquie. Ce blocage a été ordonné par la décision n°2009/45, prise le 26 juin 2009, par le procureur de la République du district de Beyoglu d’Istanbul. Cette précision apparaît sur le site lorsque les internautes turcs s’y rendent. De même, les sites lastfm.com.tr et akilli.tv sont bloqués pour la même raison. La cause de cette triple censure est un litige relatif aux droits d’auteur. "Les droits d’auteur sont souvent invoqués pour appliquer la censure sur Internet. Pour autant, le blocage de sites Internet est une sanction disproportionnée et qui porte atteinte à la liberté de l’expression en ligne. Il suffirait retirer les éléments illégaux, au regard des droits d’auteur, du site. Le réflexe de censure est une pratique courante en Turquie que nous condamnons fermement", a déclaré Reporters sans frontières. "Les mesures à l’encontre de l’Internet sont appliquées comme à l’ère des dinosaures. Elles sont disproportionnées", a déclaré Yaman Akdeniz, professeur du département de droit de l’Université de Bilgi à Istanbul, à Reporters sans frontières. Le fait que la coupure d’accès à un site Internet soit ordonnée par un procureur et non par un juge est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDHLF) dont la Turquie est signataire. Alors que de nombreux Etats européens, dont la France, envisagent de limiter l’accès à Internet pour sanctionner le piratage et protéger la propriété intellectuelle et artistique, Reporters sans frontières rappelle que ces pratiques, compréhensibles dans l’intention de protection des droits d’auteur, restreignent trop souvent la liberté d’expression des internautes. Nous appelons le gouvernement turc à amender la loi 5651 relative aux délits commis sur lnternet dans le sens d’un plus grand respect de la liberté d’expression en conformité avec la CESDHLF. Reporters sans frontières rappelle que Youtube est inaccessible en Turquie depuis le 5 mai 2008 et que le pays se situe à la 102e place sur 173, au classement mondial sur la liberté de la presse établi en 2008 par l’organisation.
Publié le
Updated on 20.01.2016