Deux projets de loi : un bon et un mauvais pour la liberté de la presse
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Le parti Uri (au pouvoir) a fait inscrire à l'ordre du jour du parlement sud-coréen deux réformes législatives qui auront des conséquences importantes pour la liberté de la presse. La suppression de la loi sur la sécurité nationale améliorera sans nul doute la liberté d'expression en Corée du Sud, tandis que la réforme des médias met en péril la libre entreprise dans le secteur de la presse écrite.
Reporters sans frontières s'est adressée au président du parti Uri, Lee Bu Young, pour qu'il intervienne en faveur d'un retrait de la loi de réforme des médias. Après s'être félicitée du projet d'abrogation de la loi sur la sécurité nationale, l'organisation s'est inquiétée des tentatives de la majorité présidentielle de régenter par la loi le marché de la presse écrite. " Cette loi, destinée à limiter l'influence des trois grands quotidiens conservateurs, ressemble plus à une vengeance idéologique qu'à un texte visant à réguler le secteur de l'information ", a écrit Robert Ménard dans sa lettre à Lee Bu Young. Reporters sans frontières est consciente qu'une situation de monopole ou d'oligopole n'est pas souhaitable pour le pluralisme de l'information, mais les Sud-Coréens ont de multiples sources d'information en plus des quotidiens traditionnels.
Le 15 octobre 2004, le parti Uri, contrôlant une majorité de 152 sièges sur les 299 que compte le parlement sud-coréen, a dévoilé quatre projets de loi dont deux concernent directement la liberté de la presse. Le parti souhaite les faire adopter avant la fin de la session parlementaire, mi-décembre.
La réforme des médias prévoit notamment qu'un journal ne peut pas contrôler plus de 30 % des parts de marché et que les trois principaux quotidiens ne peuvent pas détenir plus de 60 % de ce marché. Par ailleurs, les publicités ne peuvent pas excéder 50 % de l'espace d'une publication, sous peine d'une amende de 20 millions de wons (plus de 14 000 euros). Tous les groupes de presse devront, par ailleurs, fournir au ministère de la Culture et du Tourisme des informations complètes sur leur résultat financier, leur circulation et la structure de leur capital.
Les trois quotidiens conservateurs Chosun Ilbo, Dong-a Ilbo et JoongAng Ilbo occupent plus de 70 % du marché de la presse écrite quotidienne. Le Chosun Ilbo représente à lui seul plus de 30 % du marché.
La loi prévoit également que les groupes de presse installent en leur sein un comité pour protéger les droits des lecteurs afin qu'ils puissent se retourner contres les médias s'ils estiment que leur couverture n'est pas " objective ".
Le parti au pouvoir souhaite également mettre en place un système unique de distribution des quotidiens pour faire cesser la concurrence acharnée que se livrent les journaux pour obtenir des abonnés.
Cette proposition de loi s'est accompagnée de déclarations hostiles de la part de hauts responsables. Ainsi, le Premier ministre Lee Hae-chan a déclaré : " Je peux pardonner aux régimes militaires de Chun Doo-hwan et Roh Tae-woo, mais je ne peux pas pardonner les trahisons du Chosun Ilbo et du Dong-a Ilbo. "
Un responsable du parti Uri a affirmé que cette loi " aidera à créer un marché des médias sain qui reflète l'opinion publique ". En février 2002, le gouvernement fidèle au président Roh Moo-hyun avait déjà tenté de faire adopter une loi limitant l'influence des quotidiens conservateurs.
Par ailleurs, le parti Uri souhaite abroger la loi relative à la sécurité nationale qui criminalise la diffusion d'informations favorables au régime communiste de Corée du Nord. Le président Roh Moo-hyun a proposé que certains articles de la loi soient intégrés dans le code pénal pour protéger le pays de l'espionnage au profit de la Corée du Nord. Le dernier journaliste à avoir été emprisonné en vertu de cette loi est Choi Chin-sop, détenu de 1992 à 1995. Mais des publications d'extrême gauche sont toujours censurées ou inquiétées pour publier des articles jugés favorables au régime de Pyongyang.
Dans le passé, Reporters sans frontières a dénoncé cette loi liberticide, datant de 1948, qui sous couvert de protéger le pays de l'idéologie du Nord, a permis d'emprisonner des journalistes et de censurer des médias. Dans son rapport 2004, Amnesty international écrivait : " La loi relative à la sécurité nationale a souvent été utilisée arbitrairement pour punir des personnes dont le seul tort avait été de vouloir faire usage de leur droit à la liberté d'expression et d'association. " Fin août 2004, quatorze personnes étaient détenues en vertu de cette loi.
Le 27 octobre, le Grand parti national (opposition) a annoncé qu'il allait saisir la Cour constitutionnelle à propos de ces projets de lois. Certains députés conservateurs ont menacé de s'opposer physiquement à l'adoption de ces textes.
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Updated on
20.01.2016