Crise politique en Corée du Sud : RSF est soulagée par la levée de la censure des médias
La loi martiale, si elle avait été prolongée, aurait permis au président sud-coréen un contrôle total des médias, inédit depuis la démocratisation du pays. Si la fin de cette loi d’exception est un soulagement et la confirmation de l’attachement de la Corée du Sud à l’état de droit et à la liberté de la presse, clle-ci connaît une dégradation continue, comme le révèle cette tentative de mise au pas des médias. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités sud-coréennes de mettre un terme à cette dérive inquiétante.
Dans la nuit du 3 au 4 décembre 2024, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a décrété la loi martiale, une mesure d’exception plaçant les institutions et les médias sous commandement militaire, avant que l’Assemblée nationale demande l’invalidation de cette décision, moins de trois heures après. En dépit de sa courte durée, la loi martiale a néanmoins eu des conséquences immédiates sur la presse : certains journalistes se sont vus interdire l’accès à leur rédaction par des militaires, tandis que d’autres se sont réfugiés sur leur lieu de travail, redoutant des perquisitions des autorités.
“La loi martiale, si elle n’avait pas été immédiatement levée, aurait donné au président Yoon Suk Yeol le pouvoir de censurer les médias et de contrôler les informations qu’ils diffusent, alors que ce dernier fait déjà preuve,depuis son élection, d’une grande hostilité envers ceux qui le critiquent. La réaction de rejet quasi-unanime que cette décision a suscitée est un soulagement. Nous appelons tous les responsables institutionnels et politiques coréens à en tirer profit pour réaffirmer leur engagement en faveur de la liberté de la presse et s’engage à restaurer un climat favorable à l’exercice du journalisme dans le pays.
Depuis sa prise de fonction le 10 mai 2022, le président Yoon a multiplié les attaques contre les médias publiant des informations critiques de sa politique, qualifiant leurs articles de “fausses nouvelles”. Sous son mandat, le parti politique dont il est issu, Le Pouvoir au peuple, a également soutenu des mesures punitives envers certains médias accusés de parti pris politique, telles que la suppression des subventions au radiodiffuseur TBS.
Le recours de l'exécutif à des poursuites pour diffamation contre des journalistes a aussi atteint un niveau inédit : en 2023, pas moins de cinq journalistes ont été poursuivis pour diffamation par le président ou son entourage. En Corée du Sud, la diffamation peut entraîner des peines allant jusqu’à sept ans de prison, ce qui incite certains journalistes à s’autocensurer pour éviter des poursuites judiciaires.
La situation de la liberté de la presse s’est considérablement dégradée en Corée du Sud depuis l’élection du Président Yoon, passant de la 43e place en 2022 à la 62e au Classement de la liberté de la presse 2024 établi par RSF. Selon une enquête réalisée par l'Association des journalistes de Corée (JAK) en 2023, plus de la moitié des journalistes s'inquiètent du recul de la liberté de la presse depuis l’arrivée au pouvoir du président Yoon.