Des médias poursuivis pour des articles mettant en cause des leaders politiques
Organisation :
Reporters sans frontières s’interroge sur la décision de la Commission sur les délits des médias, de répercuter auprès du parquet un dossier d’enquête concernant l’agence Pajhwok Afghan News et les deux quotidiens Sarnewesht et Bavar. L’organisation demande que les plaintes contre ces médias soient immédiatement retirées.
“Cette décision ne favorise pas l’indépendance ni n’aide le développement des médias afghans. S’il est exact que selon la loi sur les médias en vigueur, la commission a le pouvoir de soumettre son dossier d’enquête au procureur, elle a également le pouvoir d’éviter la solution judiciaire quand celle-ci n’est pas nécessaire. Or, dans l’article qui lui a valu ces poursuites judiciaires, Pajhwok Afghan News, avait proposé un droit de réponse aux personnes visées par les accusations relayées par le journal. Le sort identique réservé aux deux autres quotidiens Sarnewesht et Bavar, pour avoir republié des informations déjà publiés par ailleurs, est tout autant incompréhensible. ”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 26 mai 2012, Pajhwok Afghan News, avait publié une information à propos d’une tentative de la corruption perpétrée par l’Iran, dans le cadre de la ratification, par le parlement afghan, du pacte stratégique resserrant les liens entre l'Afghanistan et les Etats-Unis, à partir de 2014. Dans son enquête, et selon une source proche du gouvernement, Pajhwok Afghan News a révélé que “l’Iran (aurait) distribué 25 de millions de dollars à des députés pour voter contre cette loi”. Cette information a par la suite été republiée et diffusée par plusieurs autres médias, dont les quotidiens Sarnewesht et Bavar.
Suite aux protestations de certains députés, la Commission sur les délits des médias, avait été ressaisie et, après une réunion en présence du directeur de Pajhwok Afghan News, Danish Karokhel, avait décidé de renvoyer le dossier au procureur de Kaboul.
Contacté par l’organisation, Danish Karokhel, a déclaré: “Nous avions reçu ces informations d’une source sûre et nous avions mené notre enquête pour vérifier les informations avant publication. Nous avions contactés les députés et nous leur avions demandé leurs réactions. Nous avons même attendu jusqu’à sept heures du soir pour avoir la réaction de l’ambassade d’Iran en Afghanistan. Pour moi, c’est un travail journalistique que nous assumons entièrement. Comme la loi le demande, nous pouvons présenter notre sources devant un tribunal compétent.
Assadolah Wahidi, directeur du quotidien Sarnewesht, regrette cet “acharnement” des autorités contre son journal “une dizaine de médias ont publié cette information pourquoi seulement Sarnewesht et Bavar doivent être sanctionnés ?” Dans une lettre adressée à Reporters sans frontières, le directeur du journal dénonce “cette décision considérée comme une atteinte à la liberté d'expression.”
De son côté, le ministre de l’Information et de la Culture et le président de la commission Seid Makhodm Rahine a déclaré à l’organisation: “La commission n’est pas un organe étatique mais indépendant. A part moi, les huit autres membres sont issus de la société civile. Mais notre tâche est de vérifier si le média en cause a commis une délit ou non. D’autre part, nous essayons de régler le litige entre les plaignants et les médias. Dans ce cas, les deux parties campent sur leur position. Dans un dossier comportant des accusations aussi graves, la seule solution était l’arbitrage de la justice.”
La presse libre en Afghanistan se trouve cernée entre, d’une part, des médias financés et guidés par les chefs de guerre et certains régimes étrangers, comme le Pakistan et l’Iran, qui ont ainsi la possibilité d’interférer dans les affaires internes du pays; d’autre part, par les taliban et des autorités gouvernementales corrompues, qui la poussent au silence.
Publié le
Updated on
20.01.2016