Des difficultés et dangers d’être journaliste dans l’Etat de Guerrero

Plusieurs organisations des droits de l’homme dont Reporters sans frontières (RSF) ont publié, lundi 27 avril, un rapport sur la liberté de l’information dans l’Etat du Guerrero au Mexique. Le constat est accablant. En mars dernier, RSF, Freedom House, Propuesta Cívica, le Centre national de Communication sociale (CENCOS), Periodistas de a Pie et la Maison des droits des journalistes (CDP) ont effectué une mission à Chilpancingo dans l’Etat de Guerrero afin de documenter les exactions contre les journalistes, leurs conditions de travail et les obstacles à leur activité professionnelle. Ces représentants de la société civile, dont la correspondante de RSF au Mexique, Balbina Flores, ont rencontré des professionnels des médias ainsi que les autorités de l’Etat. Cette mission s’est déroulée dans un contexte particulièrement tendu et polarisé marqué par la profonde crise que traverse l’Etat suite à la disparition de 43 étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa et de l'assassinat de six personnes en septembre dernier. Cette crise sociale, couplée à l’insécurité généralisée génère des mobilisations constantes. La région compte une forte présence de groupes criminels organisés et de nombreuses milices d’auto-défense. En juin, le Guerrero connaitra l’une des élections les plus difficiles de son histoire. Un département de plus en plus violent Le Guerrero est l'un des États qui ont signé en 2013 un accord de coopération avec le mécanisme fédéral de protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. A ce titre, les autorités régionales sont tenues de “veiller à la protection et à l'assistance des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme”. Pourtant, douze journalistes ont été assassinés entre 2002 et 2014 dont Jorge Torres Palacios et Miguel Angel Guzman, chroniqueur du Vértice, l’année dernière. Depuis 2011, le journaliste Marco Antonio López du journal de Novedades Acapulco, est porté disparu. Freedom House a enregistré un record de 46 agressions physiques en 2014, une situation confirmée par les journalistes rencontrés lors de la mission. Ils racontent les menaces, cambriolages, harcèlement, agressions physiques, enlèvements, extortions et l’assassinat de deux journalistes. “Face à la violence que subissent les journalistes dans l’Etat de Guerrero, Reporters sans frontières appelle les autorités de l’Etat à établir une politique globale fondée sur leurs besoins réels avec un volet de prévention, de protection, d’accès à la justice et aux réparations, déclare Claire San Filippo, responsable du bureau Amériques de l’organisation. Alors que les élections se profilent en juin, il est plus urgent que jamais de prendre des mesures efficaces pour éviter de nouvelles exactions”. Selon les témoignages recueillis à Chilpancingo, la plupart de ces exactions sont commises par des fonctionnaires publics et notamment le Secrétariat de la Sécurité publique, la police et l’armée. Les reporters travaillent aussi sous la menace du crime organisé. Les divers mouvements sociaux, politiques et économiques sont de plus en plus hostiles à la presse qu’ils accusent d’être “vendue” et de manipuler l’information. Depuis octobre 2014, Reporters sans frontières comptabilise une trentaine de journalistes agressés lors des manifestations exigeant de retrouver les 43 étudiants disparus d’Iguala. Equipement dérobé, images effacées, agressions: le travail de couverture journalistique est de plus en plus ardu. Des conditions de travail précaires La plupart des journalistes travaillent dans des conditions de vulnérabilité : contrats précaires, couverture sociale souvent inexistante, horaires excessifs pour des rémunérations limitées. A cela s’ajoute le manque de soutien des éditeurs et de leurs médias. A l’heure actuelle, même si le Guerrero compte un fonds de soutien pour les journalistes, l’absence de politique publique intégrale demeure problématique. Dans les faits, les politiques et programmes gouvernementaux qui affirment viser à encourager le journalisme comme l’octroi de subvention finissent par devenir des mécanismes «légitimes» pour restreindre la liberté d’information et favorise la cooptation. Lire le rapport complet de la mission ici. Le Mexique se situe à la 148ème place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, publié en février 2015.
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Updated on 20.01.2016