Dans une lettre ouverte au Premier ministre, Reporters sans frontières propose dix actions pour favoriser la liberté de la presse

Le 16 avril, Reporters sans frontières a adressé une lettre ouverte au Premier ministre Yousaf Raza Gillani pour "saluer la décision" de son gouvernement d'introduire, le 11 avril 2008, devant le Parlement, une nouvelle loi sur la régulation des médias audiovisuels, amendant celle promulguée par le président Pervez Musharraf le 3 novembre 2007. "C'est une victoire pour la liberté éditoriale des chaînes de télévision et des radios, qui ont été les cibles de multiples sanctions et attaques par le gouvernement précédent", a déclaré l'organisation dans son courrier. La ministre de l'Information, Sherry Rehman, a en effet présenté, devant l'Assemblée nationale, un texte annulant les dix amendements liberticides à la loi sur les médias audiovisuels (PEMRA 2002) adoptés le 3 novembre 2007. Le texte, signé par le président Pervez Musharraf, permettait notamment de punir de trois ans de prison un journaliste "diffamant" ou "ridiculisant" le chef de l'Etat. Rappelant au chef du gouvernement qu'il était diplômé d'un master en journalisme et que son parti s'était prononcé en faveur de la liberté de la presse, Reporters sans frontières a proposé au nouveau chef du gouvernement un plan en dix points, visant à améliorer durablement la situation de la liberté de la presse au Pakistan. 1. Annuler les ordonnances sur la presse écrite (RPPO 2002) promulguées en novembre 2007 imposant des restrictions à la liberté éditoriale. 2. Réformer le mode de fonctionnement de l'organisme de la PEMRA, actuellement dirigée par d'anciens officiers de police. La PEMRA doit accorder des licences hertziennes à des chaînes indépendantes, garantir l'indépendance éditoriale des chaînes de télévision et des radios, et cesser de faire pression sur les opérateurs de télévision par câble. 3. Libérer les professionnels des médias emprisonnés : Rehmat Shah Afridi, ancien directeur du Frontier Post, et Munir Mengal, l'un des initiateurs de la chaîne de télévision Baloch Voice. Deux autres journalistes originaires du Baloutchistan sont toujours portés disparus, sans que l'on connaisse les motifs de leur enlèvement. Il est important de les localiser et veiller à ce que leurs droits de citoyens soient respectés. 4. Mettre en place des formations au sein de la police, de l'armée et des services secrets (ISI) sur l'importance du travail des médias, afin d'éviter de nouvelles violences contre les journalistes, notamment lors de manifestations. En 2007, pas moins de trente journalistes ont été sérieusement blessés et plus de 120 ont été interpellés par les forces de sécurité. 5. Accorder des compensations financières aux journalistes qui ont été arbitrairement détenus, frappés ou harcelés par les forces de sécurité et aux familles de ceux qui ont été tués en 2007 et au début de l'année 2008. 6. Assurer la protection des médias visés par des menaces de groupes terroristes. 7. Annuler les plaintes abusives déposées par la police ou l'administration contre des dizaines de journalistes et de militants de la liberté d'expression au cours des dernières années. 8. Lutter contre l'impunité en créant une Task Force chargée d'enquêter sur les assassinats de journalistes au cours des dernières années. Six journalistes ont été tués en 2007 et aucune enquête n'a abouti. Le Pakistan est devenu le pays asiatique le plus dangereux pour les journalistes. 9. Rendre public le rapport d'enquête sur l'enlèvement et l'assassinat en 2006 du journaliste Hayatullah Khan, originaire des zones tribales. 10. Transformer la chaîne d'Etat PTV en télévision publique indépendante. Pendant les élections, Reporters sans frontières a réalisé un monitoring de PTV qui a prouvé que le parti présidentiel était largement avantagé sur ses antennes. Dans sa lettre, l'organisation rappelle que la "politique répressive des précédents gouvernements, mais aussi les actes terroristes, ont provoqué une dégradation très inquiétante de la situation de la liberté de la presse. Le Pakistan se retrouve ainsi au 152e rang sur 169 dans le classement de la liberté de la presse 2007 élaboré par Reporters sans frontières." L'organisation conclut : "Nous avons conscience que la tâche à laquelle vous êtes confrontée est immense, mais nous avons espoir que vos convictions vous inciteront à privilégier l'affermissement de la liberté de la presse. (...) Notre organisation espère que vous vous pencherez personnellement sur ces dossiers et que vous inciterez votre gouvernement à créer un climat de travail serein pour les journalistes."
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Updated on 20.01.2016