Croatie: RSF et un groupe d’organisations dénoncent les interférences du gouvernement dans la télévision publique

Un regroupement d’associations internationales de défense de la liberté de l’information publie un rapport dénonçant les “tentatives de contrôle de la HRT à des fins utilitaristes par le gouvernement actuel”, notamment par des plans de restructuration massifs du personnel. Les organisations appellent le gouvernement croate à permettre une couverture équilibrée de la campagne électorale en vue des élections du 11 septembre.

Les 6 organisations ont émis leurs recommandations au terme d’un rapport où l’interférence du gouvernement dans la gestion de la HRT ressort comme l’un des principaux obstacles à la liberté et l’indépendance des médias en Croatie.

En mars 2016, le parlement croate, alors dominé par une coalition constituée un mois auparavant entre le très droitier HDZ et le parti émergent Most, a congédié le directeur général de la HRT pour le remplacer par un directeur par intérim, qui a muté ou mis sur la touche plus de 70 journalistes et rédacteurs dans ce qui a été décrit comme une purge. En juillet, le gouvernement HDZ-Most a amendé la loi afin de permettre au directeur intérimaire de rester en poste jusqu’au législatives de septembre, une initiative “équivoque” qui renforce l’idée d’une politisation délibérée du service public.

Ces récents changements s’inscrivent dans la ligne directe d’une loi votée par le précédent gouvernement social-démocrate, que le rapport qualifie d’“écart aux principes de promotion de l’indépendance du service audiovisuel”. Les organisations appellent à ce que cette loi soit abrogée au plus vite.


Le rapport reprend les conclusions d’une mission de trois jours en Croatie en juin effectuée par la South East Europe Media Organisation (SEEMO), à laquelle ont participé l’Union européenne de radio-télévision (UER), la Fédération européenne des journalistes (FEJ), le European Centre for Press and Media Freedom (ECPMF), l’Institut international de la presse (IIP) et la section autrichienne de Reporters sans frontières (RSF).


Une autre des conclusions les plus alarmantes du rapport est l’instrumentalisation du discours nationaliste et révisionniste dans la sphère publique, dans le but d’intimider les médias critiques. Des personnalités publiques de premier plan, dont l’ancien président du HDZ, Tomislav Karamarko, ont ouvertement exprimé le désir de “se débarrasser” des médias “de gauche”, tandis que les journalistes et médias qui ne font pas montre de suffisamment de “patriotisme” sont régulièrement qualifiés de “traitres”.


La délégation a déploré l’absence de condamnation de la part des dirigeants croates après la manifestation de janvier 2016 contre le régulateur de médias électroniques du pays, durant laquelle les participants avaient dirigé des saluts nazis contre le président du régulateur, ethniquement serbe. “Ce silence est éloquent”, indique le rapport.


Entre autres choses, le rapport :

- condamne l’échec répété des autorités croates à faire la lumière sur les menaces et attaques physiques contre les journalistes ;

- applaudit les récentes réformes visant à protéger les journalistes contre la “loi sur l’outrage”, mais exhorte toujours le parlement à les abroger toutes;

- appelle le gouvernement à reconsidérer la suppression des subventions aux médias en langues minoritaires et aux médias non-lucratifs ;

- note les “graves lacunes” dans le monitoring et la mise en œuvre des provisions légales sur la transparence dans la propriété des médias;

- souligne le besoin de solidarité entre les associations de journalistes face aux menaces contre la liberté et l’indépendance des médias.


La délégation a très favorablement accueilli les commentaires de la présidente Kolinda Grabar-Kitarović durant la mission de juin en faveur de la sauvegarde de l’indépendance de HRT et de la dépénalisation de l’“outrage”.


La Croatie occupe la 63e place sur 180 au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse, publié par RSF.

Publié le
Updated on 07.09.2016