Craintes de fermetures au sein des médias communautaires, en l'absence de cadre juridique clair et au mépris des engagements internationaux du gouvernement

Dans un contexte de menaces de fermetures et de suspensions d'antenne répétées contre des radios communautaires, Reporters sans frontières appelle les autorités fédérales à clarifier juridiquement la situation de ce type de médias et à respecter les accords internationaux qui les protègent. Parmi beaucoup d'autres, le cas de la station Radio Totopo à Juchitán (État d'Oaxaca, Sud) illustre ces manquements. “L'actuel traitement de la question des médias communautaires, dans leur immense majorité des radios, relève à la fois de l'arbitraire et de l'absurde. D'une part, certaines stations opèrent sous le label communautaire alors qu'elles ont un format et des objectifs commerciaux. Il convient déjà de donner aux médias communautaires un cadre législatif qui corresponde à leurs critères. D'autre part, l'attribution des fréquences continue de fonctionner selon un régime discrétionnaire, très souvent au détriment de petites radios communautaires indigènes que le gouvernement est tenu d'aider, en vertu de la Constitution et de certains traités internationaux. Dans ce contexte, la multiplication des saisies au motif que telle station émet illégalement ne résoudra rien. Reporters sans frontières appuiera toute démarche utile entre les autorités et les organisations représentant ces médias, nationales et internationales”, a déclaré l'organisation. A Juchitán, dans l'État d'Oaxaca, la station Radio Totopo diffuse 95 % de ses programmes en langue zapotèque auprès de quatre communautés indigènes de la région. L'un des coordinateurs de la station, Carlos Sánchez Mártinez, a fait part à Reporters sans frontières de sa crainte d'une fermeture, après plusieurs opérations en ce sens de la police fédérale préventive (PFP) contre quatorze autres radios du même secteur - pour certaines commerciales mais autodéclarées communautaires -, le 29 août 2008. Certaines stations ont été lancées à l'initiative du gouverneur de l'État Ulises Ruíz Ortiz, réputé pour ses relations conflictuelles avec la presse locale et dont la garde rapprochée a été mise en cause dans l'assassinat du cameraman américain de l'agence Indymedia Brad Will (lire les communiqués) lors d'une grave crise sociale et politique à l'automne 2006. L'assassinat, le 7 avril 2008, dans la localité de Putla de Guerrero, de Teresa Bautista Flores, 24 ans, et de Felicitas Martínez, 20 ans - toutes deux employées de La Voz que Rompe el Silencio (“La voix qui rompt le silence”), une radio de la communauté Trique (lire le communiqué du 9 avril 2008) -, nourrit également les inquiétudes au sein des médias indigènes d'Oaxaca. Ce crime n'a d'ailleurs jamais été élucidé. A un niveau plus général, comme l'ont constaté Reporters sans frontières et d'autres organisations - Association mondiale des radios communautaires (Amarc-Mexique), l'Association pour le droit à l'information, Article 19 - la règle discrétionnaire continue de prévaloir dans l'attribution des fréquences et dans l'ordre de fermeture de certains médias. Pendant la période comprise entre le 12 juin et le 17 juillet 2008, pas moins de 40 des 131 fréquences disponibles ont été octroyées à des radios majoritairement commerciales, au détriment de stations communautaires ou éducatives. Pendant la même période, plusieurs médias ont été fermés ou leurs équipements saisis sur intervention de la police fédérale, comme Radio Ñomndaa, La Palabra del Agua, dans l'État de Guerrero (Sud-Ouest), le 12 juillet dernier ou Radio Tierra y Libertad, un mois auparavant dans celui du Nuevo León (Nord-Est). De nombreuses demandes de fréquences émanant de médias similaires ont été rejetées. Reporters sans frontières rappelle que la Constitution politique des États-Unis mexicains impose (art.2) de “pourvoir aux conditions pour que les peuples et les communautés indigènes puissent acquérir, faire fonctionner et administrer des moyens de communication”. L'organisation souligne également que le Mexique a ratifié, en septembre 1990, la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui fait droit aux communautés indigènes et aux minorités à disposer de leurs médias et à bénéficier de l'aide nécessaire pour s'en doter. En tant qu'État membre de l'Organisation des États américains (OEA), le Mexique est lié par la jurisprudence et la déclaration de principes de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, laquelle consacre (art.2) le droit de “recevoir, rechercher et transmettre de l'information par tout moyen de communication sans discrimination pour un quelconque motif, dont ceux de race, couleur, religion, sexe, langue, opinions politiques, origine nationale ou sociale, position économique, naissance ou autre condition sociale”. Les accords de San Andrés Larrainzar, signés en février 1996, précisent également que “les populations indigènes puissent disposer de leurs médias”.
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Updated on 20.01.2016