A l'occasion de la Coupe du monde de football, Reporters sans frontières souhaite alerter l'opinion publique sur la situation des droits de l'homme dans cinq des pays qualifiés, en lançant une campagne dans la presse.
Le visuel montre un ballon de football duquel coulent quelques gouttes de sang, barré par le nom des cinq pays mis en cause et par la mention : Carton rouge. Ce visuel est accompagné d'un texte expliquant la démarche de l'association de défense de la liberté de la presse : " La Coupe du monde, c'est la plus grande fête du football. Et il n'est pas question de la gâcher. Reste que cinq des nations qualifiées sont de véritables ennemies des droits de l'homme, de la démocratie et des libertés. Pour les sévices, les exactions, les atrocités qu'elles commettent, l'Arabie saoudite, la Chine, la Russie, la Tunisie et la Turquie méritent un carton rouge. Dans ces pays, on emprisonne, on torture, on assassine parfois des journalistes et ceux qui pensent différemment. Il ne faut pas l'oublier. Même pendant un match de foot. "
Reporters sans frontières publie chaque année la liste des " prédateurs de la liberté de la presse ". Parce que les ennemis de la liberté d'expression ont des visages, l'organisation a épinglé dernièrement 38 responsables d'exactions : chefs d'Etat, de gouvernement, chefs de guerre ou de groupes mafieux se partagent ainsi l'affiche. A l'heure où le monde entier s'apprête à vibrer à l'unisson au rythme du football et des exploits sportifs des équipes sélectionnées, Reporters sans frontières apporte un bémol et rappelle que de hauts responsables de ces cinq Etats, dénoncés comme des " prédateurs ", font régner la terreur chez les opposants dans leur pays.
Reporters sans frontières rappelle ainsi qu'en Arabie Saoudite, les autorités exercent un contrôle étroit sur les médias et que la critique du gouvernement, de la famille royale, des chefs d'Etat des pays amis ou de la hiérarchie religieuse conduit immanquablement en prison. Par ailleurs, depuis son introduction dans le royaume en 1999, Internet est étroitement surveillé par un département de la "Cité du roi Abdul Aziz pour la Science et la Technique" qui filtre les sites consultés et bloque ceux qui sont jugés contraires à la morale ou à l'islam. Le prince Abdallah ibn al-Seoud fait partie des prédateurs de la liberté de la presse dénoncés par Reporters sans frontières.
En Chine, à l'approche d'un Congrès du Parti communiste décisif prévu en 2003, le régime de Pékin a engagé une purge dans les médias : au moins cinq responsables de rédactions ont été sanctionnés et douze médias ont été censurés en 2001. Reporters sans frontières exprime régulièrement son indignation face à la répression exercée contre les journalistes et les citoyens chinois qui tentent de contester le monopole de l'Etat et du Parti communiste sur l'information et de briser l'étau de la censure. Au cours des dernières semaines, l'arrestation d'un journaliste, la fermeture d'un magazine, l'inculpation d'adeptes de Falungong pour diffusion de documents interdits dans les médias et une vague de répression dans le Xinjiang, ont prouvé, une nouvelle fois, que le gouvernement chinois applique, par la force, son monopole incontesté sur les médias. Au moins 9 journalistes et 22 cyberdissidents sont actuellement détenus dans les prisons chinoises. Le président Jiang Zemin est l'un des 38 prédateurs de la liberté de la presse.
Sur fond de recrudescence du nombre de meurtres ou d'attaques de journalistes, le harcèlement judiciaire à l'encontre de certains médias achève de contraindre l'ensemble de la presse russe à l'autocensure. Le gouvernement poursuit la prise de contrôle ou le démantèlement, au travers de puissantes compagnies d'Etat, des médias privés d'audience nationale appartenant aux "oligarques" du secteur de l'information. En Tchétchénie, de nouvelles restrictions au travail de la presse finissent d'entraver toute liberté de l'information, déjà diminuée par les très lourdes procédures d'accréditation. Dans les différentes républiques autonomes de la Fédération de Russie, les autorités ont fait taire toute critique, à l'approche des élections. Le président Vladimir Poutine fait partie des prédateurs de la liberté de la presse dénoncés par Reporters sans frontières
A l'intérieur des frontières tunisiennes, les pressions à l'égard des opposants se font de plus en plus ressentir. Le pouvoir n'hésite pas à s'en prendre à leurs familles. Deux journalistes sont actuellement incarcérés. Ces dernières années, de nombreux journalistes ont été contraints de travailler pour la presse étrangère, de créer des sites d'information sur Internet ou même de s'exiler, faute de pouvoir exercer dans leur propre pays. Sihem Bensedrine, la directrice de publication du journal en ligne Kalima, a été emprisonnée plusieurs semaines durant l'été dernier après avoir subi de nombreuses pressions. Par ailleurs, pour couper les Tunisiens du reste du monde, le contrôle des moyens de communication a été renforcé. Le président Zine el-Abidine Ben Ali fait également partie des prédateurs de la liberté de la presse.
Enfin, malgré l'annonce de réformes démocratiques dans le cadre de la candidature turque à l'Union européenne, les délits d'opinion sont toujours aussi systématiquement et sévèrement sanctionnés, en vertu d'un arsenal législatif répressif visant à protéger l'Etat contre les revendications kurdes, islamistes, et d'extrême gauche. En 2001, plus de cinquante représentants de la presse, de toutes tendances, ont comparu devant les tribunaux pour leurs écrits. Les journalistes ayant mis en cause l'armée, d'une façon ou d'une autre, ont été systématiquement inquiétés. Plusieurs quotidiens ont fait l'objet de poursuites pour leur couverture des grèves de la faim de prisonniers protestant contre leurs conditions d'incarcération et des opérations policières dans les prisons. En 2001, vingt journalistes ont été agressés dans l'exercice de leur profession et trente ont été interpellés. Cinq journalistes sont toujours emprisonnés, en raison notamment de leur responsabilité dans la diffusion d'informations et de publications considérées par les autorités comme des menaces pour l'ordre public ou l'unité de l'Etat. Hüseyin Kivrikoglu, chef d'état-major des armées, fait partie des prédateurs de la liberté de la presse dénoncés par Reporters sans frontières.
Reporters sans frontières propose à la presse et aux sites Internet de s'associer à cette initiative en publiant cette campagne, réalisée gracieusement par l'Agence Rampazzo et associés, dans le format qui leur convient.
Par ailleurs, alors que des milliers de journalistes étrangers arrivent au Japon pour couvrir la Coupe du monde, Reporters sans frontières a dénoncé, dans un communiqué, (disponible sur www.rsf.org), le système des kisha clubs comme un obstacle à la liberté de la presse, qu'il est urgent de réformer. En effet, ces clubs de la presse officiels, autour desquels s'organise le système médiatique japonais depuis près de cinquante ans, restent, dans leur très grande majorité, interdits aux journalistes indépendants et aux correspondants de la presse étrangère.