COP 28 aux Émirats arabes unis : climat de répression sur les journalistes

Les nombreux journalistes qui se rendent à Dubaï pour couvrir, dès ce 30 novembre, la 28e Conférence des Parties sur le climat font face à d’énormes restrictions dans un pays où la moindre critique du gouvernement peut conduire à l’emprisonnement. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités émiraties à garantir le droit des journalistes d’informer en toute liberté.

Finalement, pas de texte édictant les “normes sur les contenus médiatiques” ? Le Bureau de régulation des médias des Émirats arabes unis (MRO) vient de retirer, avec excuses publiques, les restrictions initialement publiées fin octobre sur le site de l’Agence des Nations unies pour le climat, en vue de la COP 28 qui débute ce 30 novembre dans le pays. Cependant, malgré cette posture diplomatique, plusieurs autres lois, réglementations et procédures, qui leur ressemblent, et qui s'appliquent à tous les journalistes, restent en vigueur.

  • Des lignes rouges pour les journalistes

La loi fédérale de 1980, interdit toute publication qui a pour but de “critiquer le président”, de "porter atteinte aux intérêts supérieurs de l'État", de "violer la morale publique" ou de diffuser "tout matériel qui comprend le déshonneur du président d'un pays arabe ou islamique ou de tout autre pays ami". La liste des interdictions est longue et l’interprétation des textes menaçant les journalistes de censure est suffisamment floue pour instaurer un climat d’autocensure.

  • Régime de surveillance

Les Émirats arabes unis figurent parmi les plus grands utilisateurs de logiciels espions, dans le but de traquer et harceler les voix critiquant le pouvoir. La loi sur la cybersécurité de 2012, amendée en 2021, renforce quant à elle les possibilités de censurer les contenus journalistiques.

  • Accréditation restrictive 

Si les journalistes ont reçu des accréditations pour la COP 28, il leur est interdit de prendre des photos et des vidéos en dehors de ces zones sans autorisation du Bureau national des médias (NMO) en consultation avec le MRO. Il leur est demandé de détailler des informations personnelles et sur leurs reportages, sans garantie d’accréditation et sans que les critères de la décision soient motivés.

“Les lois et les restrictions imposées par les Émirats aux journalistes sont extrêmement contraignantes. Les journalistes, locaux et internationaux, qui couvrent la COP 28, le feront dans un climat de répression, de surveillance et d'autocensure. Nous demandons aux Émirats arabes unis de revoir leurs politiques qui répriment la liberté de la presse, de libérer les journalistes dans leurs prisons, et de lever les restrictions imposées aux professionnels des médias pendant la COP 28.

Jonathan DAGHER
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

Des journalistes, dans le pays et au-delà, ont déjà fait les frais de ces politiques répressives. Le blogueur Ahmed Mansoor, a été condamné en 2018 à dix ans de prison après avoir été accusé de “publier des fausses informations” ainsi que de ternir “le statut et le prestige des Émirats arabes unis" sur les réseaux sociaux.

Plusieurs journalistes, selon une enquête de l’agence de presse Reuters en 2019, ont été ciblés par des outils de cyberespionnage parce qu’ils réalisaient des investigations sur les Émirats. Cela a notamment été le cas de Rori Donaghy, ancien contributeur du quotidien britannique The Guardian. En 2021, ce média annonçait, sur la base de documents fournis par Forbidden Stories et Amnesty international, qu’au moins 12 journalistes installés aux Émirats, dont l’éditrice du Financial Times Roula Khalaf figuraient sur une liste de cibles potentielles de la société de cybersurveillance israélienne NSO, dont le gouvernement émirati fut à cette époque le client.  Abou Dhabi s’est ensuite tourné vers une société israélienne plus discrète appelée QuaDream et son logiciel baptisé “Reign”, afin d’espionner certains journalistes du pays, selon une enquête de l’organisation Citizen Lab d’avril 2023.

Autant de méthodes liberticides qui poussent les travailleurs des médias à pratiquer l’autocensure et qui laissent craindre, dans le contexte de la Conférence, une nouvelle vague d’attaques indignes envers les journalistes.

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