Reporters sans frontières dénonce la condamnation de Sabri Ejder Öziç, ancien directeur de Radyo Dünya, à une peine d'un an de prison pour "insulte et moquerie envers le Parlement", institution qu'il avait qualifiée de "terroriste".
Reporters sans frontières dénonce une fois de plus l'utilisation abusive de l'article 301 du code pénal turc (« humiliation de l'identité turque, de la République et des organes ou institutions d'Etat ») après la condamnation, le 20 avril 2006, de Sabri Ejder Öziç, ancien directeur de la station locale Radyo Dünya à Adana (sud du pays), à six mois de prison pour « insulte envers le Parlement ».
Le journaliste, condamné en première instance à un an de prison le 30 décembre 2003, a vu sa peine réduite de moitié lors d'un second jugement, après l'annulation du premier par la Cour de cassation, en raison de l'adoption d'un nouveau code pénal en Turquie, en juin 2005.
Sabri Ejder Öziç avait été condamné pour des propos tenus, le 24 février 2003, dans son émission « Journal de bord du capitaine », dans laquelle il avait critiqué la décision du Parlement d'autoriser la présence de troupes étrangères sur le sol turc et d'envoyer des soldats en Irak.
Meric Tumer, l'avocat du journaliste, va faire appel de cette sentence dans les prochains jours. En attendant, Sabri Ejder Öziç reste en liberté.
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8 janvier 2004
Un journaliste condamné à un an de prison pour offense au Parlement
Sabri Ejder Öziç, ancien directeur de la station locale Radyo Dünya à Adana (Sud), a été condamné, le 30 décembre 2003, à une peine d'un an de prison pour "insulte et moquerie envers le Parlement". Le journaliste, qui n'est pas incarcéré, a fait appel de cette sentence.
"Nous sommes choqués par cette condamnation, qui est totalement disproportionnée. Nous vous rappelons que, selon les standards internationaux, les délits de presse ne doivent pas faire l'objet de peines de prison. Il serait bon que la Turquie, désireuse d'adhérer dans un avenir proche à l'Union européenne, intègre ce principe fondamental et cesse de poursuivre abusivement les journalistes critiques à l'égard de l'Etat ou de ses institutions", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, dans un courrier adressé au ministre de la Justice, Cemil Cicek. "A quoi servent les réformes législatives, même les plus positives, si elles sont appliquées de manière arbitraire par les juges locaux ? ", a-t-il ajouté.
Le tribunal correctionnel d'Adana a condamné Sabri Ejder Öziç pour les propos qu'il a tenus le 24 février 2003 lors de son émission intitulée "Journal de bord du capitaine". Le journaliste, par ailleurs militant du parti prokurde Ozgur Toplum, avait critiqué la décision du gouvernement d'autoriser la présence de troupes étrangères sur le sol turc et d'envoyer des soldats en Irak, soumise, le jour de l'émission, à l'approbation du Parlement. Le tribunal a notamment retenu les propos suivants : "Notre Conseil des ministres autorise les soldats américains à utiliser notre sol ; nos soldats vont pouvoir entrer sur le territoire irakien (...). Une guerre s'est ouverte dans le monde contre le terrorisme, mais c'est une guerre illégitime. Si les guerres illégitimes sont des actions terroristes, alors ceci aussi est un acte terroriste. Si l'autorisation d'envoyer des troupes pour des actions terroristes était approuvée par le Parlement, et bien ce Parlement aussi serait terroriste."
Le procureur Erten Tamoglu a estimé que le fait d'avoir qualifié le Parlement de "terroriste" ne constituait pas une critique mais une insulte envers une institution de l'Etat, délit passible, en vertu de l'article 159 du code pénal, d'une peine minimale de six mois de prison.
Dans le cadre des réformes démocratiques engagées dans la perspective de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, l'article 159, à l'origine d'un grand nombre de poursuites abusives contre les journalistes pour "offense à l'égard de l'Etat et des institutions de l'Etat et menaces contre l'unité indivisible de la République turque", a été amendé en 2002 et en 2003. La durée de la peine de prison pour cette accusation a été réduite d'un an à six mois et les critiques ne visant pas intentionnellement à "ridiculiser" ou à "insulter" les institutions de l'Etat ne sont plus passibles de peines de prison. Néanmoins, l'interprétation par les juges de la notion de "critique" reste subjective et plusieurs journalistes ont été poursuivis en 2003 en vertu de cet article.
Reporters sans frontières rappelle que la liberté de la presse reste soumise à de nombreuses restrictions en Turquie. Les journalistes osant critiquer les institutions de l'Etat ou aborder des sujets tabous, comme le problème kurde ou le rôle de l'armée dans la vie politique du
pays, sont censurés, abusivement poursuivis et soumis à de lourdes peines. Au moins cinq d'entre eux sont actuellement incarcérés pour avoir exprimé leurs opinions dans le cadre de leur activité professionnelle.