Classement mondial de la Liberté de la presse : RSF déplore les contre-vérités formulées par le porte-parole du gouvernement grec
En raison de sa dernière place en Europe au Classement 2022 de la liberté de la presse en Europe (108e au plan mondial), le gouvernement grec accuse RSF de porter atteinte à l’image de son pays.
En réaction au nouveau Classement mondial de la liberté de la presse qui fait reculer la Grèce à la dernière place dans l’Union européenne, le gouvernement grec a adressé une lettre ouverte à RSF. En mettant en cause la méthodologie du Classement, pourtant solide et transparente, le ministre adjoint au Premier ministre qui est aussi le porte-parole du gouvernement, Ioannis Oikonomou, accuse RSF de "ternir l’image d’un pays démocratique européen” et de “porter un préjudice considérable et injustifié à (sa) position sur la scène internationale”.
Le porte-parole a ajouté que le “gouvernement est vigoureusement critiqué par la majorité des journaux en Grèce, dont certains publient régulièrement (…) des contenus extrêmement offensifs à l’égard du Premier ministre, des membres du gouvernement et de leurs familles d’une intensité sans précédent en Europe et dans le monde”.
Ioannis Oikonomou se veut rassurant sur les “garanties” et la “protection” de la liberté de la presse et - pour l’étayer - cite de manière détournée le rapport du “Media Pluralism Monitor” du Centre pour le pluralisme et la liberté des médias. Outre la mention d’un rapport basé sur des données recueillies avant 2021, année de l’assassinat du journaliste Giorgos Karaivaz et de multiples autres atteintes à la liberté de la presse en Grèce identifiées par RSF, le commentaire du porte-parole contient plusieurs contre-vérités, comme l’a démontré la plateforme de fact-checking HellenikaHoaxes.gr : alors que ce rapport ne propose pas un classement des pays, le porte-parole assure que la Grèce est en termes de liberté de la presse “dans la moyenne européenne”, devance “la performance de nombreux pays” et “est en retard sur un minimum” d’aspects. Il ajoute que ce rapport serait fait “sous l’égide du Conseil de l’Europe”, alors qu’en réalité, il avait été publié par un centre de recherche indépendant cofinancé par l’Union européenne et basé à l’European University Institute à Florence.
“Plutôt que de critiquer l’instrument de mesure qu’est le Classement mondial de la liberté de la presse, le gouvernement grec ferait mieux de s’attacher à résoudre les problèmes très concrets auxquels sont confrontés les journalistes grecs, déclare le Secrétaire-général de RSF, Christophe Deloire. Le bon côté de cette réaction, c’est que la liberté de la presse est pour une fois à l’agenda du gouvernement grec, Or, la distance entre les assurances du gouvernement et les engagements internationaux de l'Etat grec d’un côté, et la situation des journalistes grecs de l’autre, est flagrante. Nous continuerons à dénoncer les violations de la liberté de la presse comme nous l’avons d’ailleurs fait sous les précédents gouvernements*."
RSF prêt à assister la Grèce dans la mise en œuvre de mesures concrètes
Le secrétaire général de RSF a tenu à préciser que “l’organisation se tient prête à assister les autorités grecques dans la mise en œuvre de mesures concrètes pour le droit à l’information, au moment où il est mis en péril à l’échelle nationale et mondiale par la polarisation des médias et des guerres d’information.”
Le gouvernement grec a publiquement soutenu les recommandations de la Commission européenne sur la sécurité des journalistes adoptées en 2021. Pourtant, l’enquête sur l’assassinat de Giorgos Karaivaz semble encore piétiner et les violences policières sur les reporters couvrant des manifestations, ainsi que la surveillance des journalistes qui enquêtent sur des sujets sensibles comme les déplacements migratoires, vont clairement à l’encontre de ces nouvelles normes européennes.
Le parlement grec a adopté en 2021 une loi aggravant les peines de prison pour la diffusion de fausses informations, qui menace les journalistes de poursuites arbitraires et d’autocensure. Pendant la pandémie de Covid-19, le gouvernement grec a considérablement limité les possibilités pour les médias grecs - déjà fragilisés par une distribution inéquitable des fonds publics - de faire des reportages dans les hôpitaux.
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