Reporters sans frontières demande au gouvernement péruvien la mise en place d'une structure de suivi judiciaire des atteintes à la liberté de la presse. Une cinquantaine d'agressions ou de menaces contre les médias ont été recensées depuis le début de l'année, dont la moitié au cours du seul mois de mars.
Cinquante cas de menaces ou d'agressions contre des médias ont été recensés par les organisations professionnelles et de défense de la liberté de la presse au Pérou depuis le début de l'année (cf. communiqué du 22 février 2007). Reporters sans frontières en appelle solennellement au gouvernement pour qu'un suivi de ce type d'affaires soit mis en place.
“Avec un assassinat et cinquante cas d'agressions ou de menaces - dont plus de la moitié au cours du seul mois de mars -, le Pérou affiche l'un des pires bilans du continent en matière de liberté de la presse depuis le début de l'année. Le pays serait-il en passe de rejoindre la Colombie ou le Mexique au rang des États les plus dangereux pour les journalistes ? Tout le laisse craindre, et l'implication d'élus locaux dans ces attaques contre les médias freine bien souvent l'action judiciaire. Nous appelons solennellement le gouvernement à mettre en place un dispositif de suivi de ces atteintes à la liberté de la presse, dont la proportion est alarmante”, a déclaré Reporters sans frontières.
Hostilité des cocaleros
Le 7 mars 2007, Roberto Gálvez, de l'agence de presse Inforegión, et le cameraman Nicolás Álvarez ont été victimes de menaces de la part de Diógenes Niño, dirigeant d'un groupe de cultivateurs de coca (cocaleros) à Huánuco (Centre). Ce dernier a également menacé le journaliste indépendant Miguel Campos et le correspondant du quotidien Correo, Sergio Madueño. Le dirigeant cocalero a reproché aux journalistes leur couverture d'un mouvement de protestation des cultivateurs de coca.
Le 10 mars, Julio Aguirre Domínguez, de la station Radio Concierto, a été agressé par un groupe de producteurs de coca à Tocache (Nord-Ouest), qui protestaient depuis le 8 mars contre l'éradication de leur culture. Une des pierres lancées par les manifestants a heurté sa caméra et détruit la bande vidéo. Le jour suivant, Peter Donato, de Radio Emanuelle, a été frappé au visage et aux jambes par le même groupe, puis on lui a arraché des mains son dictaphone et son appareil photo.
Le 27 mars, d'autres journalistes de Tocache ont déclaré avoir reçu des menaces de mort répétées depuis le 16 mars, pour les mêmes raisons. Deux animateurs de Radio Emanuelle, Daniel Grández et Abel Gonzáles ont été “avertis” sur leur téléphone portable pour avoir critiqué la violence du mouvement cocalero. Le propriétaire de la station, José Reátegui, a été sommé, le 23 mars, de suspendre le programme d'Abel Gonzáles, sous peine de mort. Quelques jours plus tard, Daniel Grández a été informé de projets d'assassinat le concernant, ainsi que ses collègues José Saldaña de Radio Libertad, Wagner Ruiz de Radio San Juan, Ketty Vela Ruiz de Radio Marginal, et Abel Gonzáles, tous considérés comme “ennemis des cocaleros”.
Abus de pouvoir
Le 9 mars à Lima, Antonio Vásquez et Marcos Sifuentes, de la chaîne de télévision Frecuencia latina, étaient en train d'enregistrer le discours de Carlos Arana, directeur du programme national “Eau pour tous”, lorsque des militants du Parti apriste (au pouvoir) les ont agressés. Antonio Vásquez a été emmené de force dans un local du parti, puis soumis à un interrogatoire pendant trente minutes. Les militants ont exigé qu'il leur remette ses enregistrements. Marcos Sifuentes a pu filmer en caméra cachée. Six individus l'ont suivi puis passé à tabac à la sortie de la réunion. Le journaliste a pu s'échapper grâce à un chauffeur de Frecuencia latina, venu le chercher.
Le 10 mars, Edwin Gómez, collaborateur du quotidien La Calle et Radio Wari, a été agressé lors d'une réunion publique par Yuri Revollar, secrétaire général d'un syndicat enseignant d'Ayacucho (Sud). Le journaliste a voulu photographier le dirigeant syndical, qui l'a frappé et a détruit son appareil.
Le 22 mars, Michael Ortiz Munares, fonctionnaire de la municipalité de Andahuaylas (Sud), a appelé la population à détruire l'antenne de transmission de Radio Panorama et à expulser de la ville trois journalistes de la station, Ronald Ripa, Mario Espinoza et Niño Gonzáles. Ces derniers avaient donné la parole à des auditeurs qui s'étaient exprimés sur l'augmentation des revenus des élus et de leurs fonctionnaires. Ronald Ripa a de nouveau été menacé, le 27 mars, par le maire de Andahuaylas, Manuel Molina Quintana, lors d'une conférence de presse.
Enfin, le 22 mars, deux individus à moto ont lancé une bombe lacrymogène contre la maison du journaliste municipal Hermes Rivera à Cajaruro (Nord-Est). Ce dernier a signalé avoir reçu des SMS intimidants sur son téléphone portable depuis le 18 mars, lui ordonnant de cesser d'enquêter sur l'assassinat de son collègue Miguel Pérez Julca, de Radio Éxitos, le 16 mars à Jaén (Nord-Ouest) (cf. communiqué du 10 avril 2007).