Cinquante ans d'indépendance mais toujours le même chemin de croix pour la presse
Organisation :
A la veille de la célébration du cinquantenaire de l'indépendance de la République démocratique du Congo, Reporters sans frontières et Journaliste en danger (JED), son organisation partenaire en RDC, dressent un constat alarmant sur la situation de la liberté de la presse dans ce pays. Alors que de nombreuses personnalités étrangères seront présentes à Kinshasa, les deux organisations appellent les autorités congolaises et la communauté internationale à agir de façon concertée pour améliorer le climat pour les journalistes.
Reporters sans frontières et Journaliste en danger demandent notamment à la Belgique – dont le roi Albert II séjourne à Kinshasa dans le cadre du jubilé et qui prendra la présidence tournante de l’Union européenne le 1er juillet prochain – de mettre à l'agenda européen la question de la sécurité physique des journalistes, dans ce pays et en Afrique centrale en général.
"Il serait incompréhensible et inacceptable que les célébrations de l'indépendance se contentent de porter un regard complaisant sur les cinquante ans passés, en occultant les difficultés du présent et les défis de l'avenir. Menacés de croupir en prison quand ils ne risquent pas leur vie, les journalistes exerçant en République démocratique du Congo évoluent dans un environnement extrêmement précaire. L'occasion est donnée de desserrer l'étau pesant sur la libre information", a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
"Au-delà des réjouissances et des galas, ce jubilé d’or devrait remettre à la surface le problème de la démocratie dans notre pays, en recul par rapport aux espoirs suscités par les élections de 2006", a ajouté pour sa part Donat M'Baya Tshimanga, président de Journaliste en danger.
Assassinats et impunité Le cinquantenaire de l'indépendance est célébré alors que l'onde de choc provoquée par l'assassinat de l'un des plus célèbres défenseurs des droits de l'homme en RDC, Floribert Chebeya, président de La Voix des Sans-Voix, est immense. Comme Floribert Chebeya, plusieurs journalistes et défenseurs des droits de l'homme ont payé le prix fort au cours de ces cinq dernières années. Il s'agit de Franck Ngyke et Bapuwa Mwamba, tués à Kinshasa en 2005 et 2006, de Mutombo Kayilu, poignardé à Kisanga, dans la périphérie de Lubumbashi (province du Katanga) en 2006, de Pascal Kabungulu Kibembi, Serge Maheshe et Didace Namujimbo, assassinés à Bukavu (Sud-Kivu) entre 2005 et 2008, de Patrick Kikuku, tué à Goma (Nord-Kivu) en 2007, et enfin de Patient Chebeya Bankome, dit Montigomo, tué en avril 2010 à Béni (Nord-Kivu). Dans certains cas, comme celui de Patrick Kikuku et Mutombo Kayilu, la justice congolaise n'a même pas ouvert de procès. Pour les autres journalistes, des audiences ont parfois eu lieu, mais en ne respectant pas les standards internationaux et en se basant sur des enquêtes souvent bâclées. Soit ces procès n'aboutissent à rien, soit ils se clôturent sur la condamnation à mort de suspects dont la culpabilité n'est pas avérée. Inévitablement, ces procès-fiascos entretiennent la culture de l'impunité et favorisent la répétition des meurtres à l'encontre des professionnels de l'information. Menaces et arrestations : un climat étouffant Depuis plusieurs années, Reporters sans frontières et JED dénoncent les arrestations arbitraires et les interrogatoires musclés perpétrés par la puissante Agence nationale des renseignements (ANR), à Kinshasa comme dans le reste du pays. Dernier incident en date : Etienne Maluka, dit Mike Elima, régisseur de la Radio Communautaire de Moanda (RCM), a été détenu pendant trente-deux jours à la prison centrale de Matadi, capitale de la province du Bas-Congo (Ouest). Arrêté par l'ANR et enfermé dans ses cachots à Moanda et à Matadi pendant neuf jours avant d'être transféré en prison, le technicien était accusé "d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat" pour avoir diffusé une chanson en portugais intitulée "Cabinda 25" contenant, selon le consul de l'Angola à Moanda, des offenses au chef de l'Etat angolais, José Eduardo Dos Santos. Il a finalement été acquitté le 12 juin dernier. "Mike Elima a simplement agi en qualité de régisseur. Lorsque nous passons de la musique, nous ne cherchons pas à comprendre toutes les paroles des chansons. Nous passons tellement de musique étrangère dans notre radio communautaire qu'il faudrait que nous engagions de nombreux interprètes afin de savoir ce que signifie chaque texte. Nous ne pouvons pas nous permettre une telle dépense, a confié à Reporters sans frontières Jean Ndombasi, responsable de la station. Je regrette l'incident qui s'est produit à la radio. Maintenant que la justice a prouvé qu'il n'y avait pas d'infractions et que notre régisseur a retrouvé la liberté, nous avons pris nos dispositions. Nous ne jouerons plus de musique en portugais même si nos auditeurs nous le demandent." Dans les provinces, et notamment à l'est du pays, les problèmes que rencontrent les journalistes sont nombreux. Outre la violence à laquelle ils sont exposés, les menaces de la part des autorités locales sont fréquentes. Depuis le 15 juin dernier, la station Le Messager du Peuple émettant à Uvira, dans la province du Sud-Kivu, est menacée de fermeture par l'administrateur du territoire, Wabunga Singa, mécontent des propos émis par certaines personnalités de l'opposition au cours de l'émission de débat "Barza du Peuple". Ces dernières avaient dénoncé sa décision de suspendre l'une des associations locales de cambistes. Les difficultés de la presse étrangère Si les journalistes locaux sont les premiers touchés par le manque de liberté de la presse en République démocratique du Congo, la presse étrangère n'est pas en reste. Depuis un an, le signal de Radio France Internationale (RFI) est coupé sur l'ensemble du territoire congolais. Les autorités ont reproché à la station internationale française "d'inciter les militaires congolais à désobéir, à se révolter, à créer des troubles dans les casernes, alors que (le) pays est en guerre". Entre février et avril 2010, Journaliste en danger a mené une campagne de mobilisation pour la réouverture de RFI et a lancé une pétition ayant recueilli 10 186 signatures. Le signal de la station n'a toujours pas été rétabli et l'organisation a eu droit à une campagne de diabolisation de la part du ministère de la Communication et des médias. Par ailleurs, les conditions d’accréditation des journalistes de la presse étrangère ont été singulièrement renforcées, le sésame devant désormais être obtenu avant de solliciter le visa d’entrée sur le territoire congolais. Bien plus, les termes de la nouvelle accréditation font référence au code de justice militaire, faisant ipso facto des journalistes de la presse étrangère des justiciables devant la justice militaire, en totale violation de l'article 156 de la Constitution de la RDC.
Assassinats et impunité Le cinquantenaire de l'indépendance est célébré alors que l'onde de choc provoquée par l'assassinat de l'un des plus célèbres défenseurs des droits de l'homme en RDC, Floribert Chebeya, président de La Voix des Sans-Voix, est immense. Comme Floribert Chebeya, plusieurs journalistes et défenseurs des droits de l'homme ont payé le prix fort au cours de ces cinq dernières années. Il s'agit de Franck Ngyke et Bapuwa Mwamba, tués à Kinshasa en 2005 et 2006, de Mutombo Kayilu, poignardé à Kisanga, dans la périphérie de Lubumbashi (province du Katanga) en 2006, de Pascal Kabungulu Kibembi, Serge Maheshe et Didace Namujimbo, assassinés à Bukavu (Sud-Kivu) entre 2005 et 2008, de Patrick Kikuku, tué à Goma (Nord-Kivu) en 2007, et enfin de Patient Chebeya Bankome, dit Montigomo, tué en avril 2010 à Béni (Nord-Kivu). Dans certains cas, comme celui de Patrick Kikuku et Mutombo Kayilu, la justice congolaise n'a même pas ouvert de procès. Pour les autres journalistes, des audiences ont parfois eu lieu, mais en ne respectant pas les standards internationaux et en se basant sur des enquêtes souvent bâclées. Soit ces procès n'aboutissent à rien, soit ils se clôturent sur la condamnation à mort de suspects dont la culpabilité n'est pas avérée. Inévitablement, ces procès-fiascos entretiennent la culture de l'impunité et favorisent la répétition des meurtres à l'encontre des professionnels de l'information. Menaces et arrestations : un climat étouffant Depuis plusieurs années, Reporters sans frontières et JED dénoncent les arrestations arbitraires et les interrogatoires musclés perpétrés par la puissante Agence nationale des renseignements (ANR), à Kinshasa comme dans le reste du pays. Dernier incident en date : Etienne Maluka, dit Mike Elima, régisseur de la Radio Communautaire de Moanda (RCM), a été détenu pendant trente-deux jours à la prison centrale de Matadi, capitale de la province du Bas-Congo (Ouest). Arrêté par l'ANR et enfermé dans ses cachots à Moanda et à Matadi pendant neuf jours avant d'être transféré en prison, le technicien était accusé "d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat" pour avoir diffusé une chanson en portugais intitulée "Cabinda 25" contenant, selon le consul de l'Angola à Moanda, des offenses au chef de l'Etat angolais, José Eduardo Dos Santos. Il a finalement été acquitté le 12 juin dernier. "Mike Elima a simplement agi en qualité de régisseur. Lorsque nous passons de la musique, nous ne cherchons pas à comprendre toutes les paroles des chansons. Nous passons tellement de musique étrangère dans notre radio communautaire qu'il faudrait que nous engagions de nombreux interprètes afin de savoir ce que signifie chaque texte. Nous ne pouvons pas nous permettre une telle dépense, a confié à Reporters sans frontières Jean Ndombasi, responsable de la station. Je regrette l'incident qui s'est produit à la radio. Maintenant que la justice a prouvé qu'il n'y avait pas d'infractions et que notre régisseur a retrouvé la liberté, nous avons pris nos dispositions. Nous ne jouerons plus de musique en portugais même si nos auditeurs nous le demandent." Dans les provinces, et notamment à l'est du pays, les problèmes que rencontrent les journalistes sont nombreux. Outre la violence à laquelle ils sont exposés, les menaces de la part des autorités locales sont fréquentes. Depuis le 15 juin dernier, la station Le Messager du Peuple émettant à Uvira, dans la province du Sud-Kivu, est menacée de fermeture par l'administrateur du territoire, Wabunga Singa, mécontent des propos émis par certaines personnalités de l'opposition au cours de l'émission de débat "Barza du Peuple". Ces dernières avaient dénoncé sa décision de suspendre l'une des associations locales de cambistes. Les difficultés de la presse étrangère Si les journalistes locaux sont les premiers touchés par le manque de liberté de la presse en République démocratique du Congo, la presse étrangère n'est pas en reste. Depuis un an, le signal de Radio France Internationale (RFI) est coupé sur l'ensemble du territoire congolais. Les autorités ont reproché à la station internationale française "d'inciter les militaires congolais à désobéir, à se révolter, à créer des troubles dans les casernes, alors que (le) pays est en guerre". Entre février et avril 2010, Journaliste en danger a mené une campagne de mobilisation pour la réouverture de RFI et a lancé une pétition ayant recueilli 10 186 signatures. Le signal de la station n'a toujours pas été rétabli et l'organisation a eu droit à une campagne de diabolisation de la part du ministère de la Communication et des médias. Par ailleurs, les conditions d’accréditation des journalistes de la presse étrangère ont été singulièrement renforcées, le sésame devant désormais être obtenu avant de solliciter le visa d’entrée sur le territoire congolais. Bien plus, les termes de la nouvelle accréditation font référence au code de justice militaire, faisant ipso facto des journalistes de la presse étrangère des justiciables devant la justice militaire, en totale violation de l'article 156 de la Constitution de la RDC.
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Updated on
20.01.2016