Cinq mois après le meurtre de Zakia Zaki, l'enquête piétine - Renaud Helfer-Aubrac qui avait aidé la journaliste à monter sa radio en 2001, rend hommage à cette "résistante"
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Cinq mois jour pour jour après le meurtre Zakia Zaki, la directrice de la station Sada-e-Solh (Radio de la Paix), Reporters sans frontières déplore le manque d'avancées dans l'enquête des autorités afghanes. Après avoir arrêté six suspects, la police en a relâché quatre. Aucune enquête sérieuse, pouvant déboucher sur une arrestation et une condamnation des assassins, n'a été menée par les forces de sécurité. La famille et les collègues de Zakia Zaki redoutent que les autorités ne délaissent l'enquête.
"Alors qu'à l'époque des faits, le ministre de l'Intérieur avait qualifié le meurtre d'"acte de terreur" et avait promis de punir les coupables, aujourd'hui, rien ou presque n'a été fait. Il est du devoir des autorités de Kaboul de mener une vraie enquête pour ne pas laisser impuni ce crime contre une femme courageuse et exemplaire", a affirmé l'organisation.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 2007, au moins deux hommes ont pénétré au domicile de Zakia Zaki à Jabalussaraj, dans la province de Parwan (nord de Kaboul), et l'ont tuée de sept balles, sous les yeux de son fils, âgé de deux ans. Egalement directrice d'école, Zakia Zaki aimait à dire que la station Sada-e-Solh était "une maison communautaire pour les habitants, le seul endroit où ils osent s'exprimer librement". La journaliste et son équipe étaient régulièrement menacés par des chefs de guerre locaux.
Renaud Helfer-Aubrac, humanitaire français et l'un des anciens animateurs de l'association française Droit de parole, qui avait aidé la journaliste à monter la radio en 2001, a écrit un hommage à Zakia Zaki.
"En Afghanistan, une radio libre peut être mortelle
Zakia Zaki était tout à la fois mère de famille, maîtresse d'école et rédactrice en chef de la première radio libre en Afghanistan de l'ère post-taliban. Militante de la liberté d'expression, elle l'a payé de sa vie.
« Zakia s'est fait descendre. » Ca n'a pas été instantané. Il m'a fallu trois secondes. Trois secondes pour enfin mettre un visage sur ce nom. J'ai raccroché. Naturellement, les larmes se sont mises à rythmer les sentiments. Désarroi, tristesse, colère, puis tristesse encore.
Afghanistan, septembre 2001.
La rédactrice en chef que nous allons voir dans quelques minutes ne se sentira-t-elle pas humiliée à la vue du matériel si rudimentaire de ce studio que nous venons de monter de toutes pièces ? Quel usage fera-t-elle de la radio ? Où puisera-t-elle l'autorité pour s'imposer durablement dans un contexte social qui m'échappe ?
De jour en jour, nous découvrions l'Afghanistan à la manière des figurants d'un jour sur le tournage d'une superproduction ; subjugués par des ballets d'hommes et de femmes dont nous ne comprenions ni les rôles, ni les fonctions. Nous devions juste entrer en scène quelques semaines seulement. Installer physiquement la radio, assurer son indépendance, recruter et former l'équipe. Puis partir.
Radio indépendante, radio libre. Donc, radio engagée. En Afghanistan comme ailleurs, une radio libre peut être mortelle.
Le parti pris de l'association Droit de Parole était, dès le départ, de choisir une femme comme rédactrice en chef. « Une radio par les femmes, pour les femmes » en était la devise.
L'équation à résoudre n'était pas simple. Le commandant Massoud venait de se faire assassiner et les yeux du monde étaient rivés sur ce pays à l'histoire douloureuse. Quel profil féminin pouvait à la fois s'imposer de manière à garantir une ligne éditoriale ferme, et être capable de « parler dans le poste » avec assurance? C'est en déambulant dans les villages qui bordent le Panshir que la réponse s'imposa comme une évidence. Une maîtresse d'école.
Des mouvements à l'extérieur du studio. Deux voiles bleus descendent d'un véhicule et se dirigent vers nous.
Elles entrent dans le studio. Enlèvent leur voile. Mme Zakia Zaki nous regarde. Elle nous sourit. D'un sourire paisible et chaleureux comme savent le faire les maîtresses d'école. Il y a de la bienveillance dans ce regard. Je redeviens dans l'instant l'écolier que j'étais, et que peut-être que je n'avais jamais cessé d'être. C'était une évidence. La radio était à elle pour elles. Depuis lors, veille des premières frappes américaines, Zakia Zaki a été rédactrice en chef de Radio Solh (Radio de la Paix). Elle lui a donné sa vie.
Assassinée de plusieurs balles, victime probable de petits chefs de guerre, Zakia Zaki, Résistante, s'est battue pour ses idées.
Je lui avais fait une promesse que je ne peux plus tenir. Celle qu'un jour nous nous reverrions, en France ou en Afghanistan. Il y avait une femme que je tenais absolument à lui présenter. Ma grand-mère, la résistante Lucie Aubrac. Mon enthousiasme à l'idée de cette rencontre la faisait rire.
Renaud Helfer-Aubrac
Humanitaire
Publié le
Updated on
20.01.2016