Censure préalable, détentions secrètes légalisées, et contrôle du net renforcé
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Reporters sans frontières condamne fermement la censure préventive opérée par le ministère de la Propagande sur la conférence de presse du 14 mars 2012 du Premier ministre Wen Jiabao. L’organisation exprime aussi sa forte inquiétude sur la mise en place du système d’identification des blogueurs (实名制) et la collaboration accrue des compagnies Sina et Baidu dans la surveillance des internautes, comme en témoigne un rapport publié par le périodique officiel “La première ligne”, le vote de la nouvelle loi sur les détentions adoptée par le Parlement chinois le 14 mars 2012.
“Directive drastiques des autorités à l’intention des médias sur leur manière de traiter l’information, intensification de la censure en ligne, légalisation de la détention au secret, Pékin frappe tous azimuts sur la liberté d’information. Les nouvelles restrictions sont en contradiction totale avec les aspirations des citoyens. Même le Premier ministre Wen Jiabao le laisse entendre.”, a déclaré Reporters sans frontières. “Les grandes entreprises du net, qui collaborent avec les autorités pour le contrôle de la toile, ne sont pas moins responsables de la cybercensure que le gouvernement. Nous appelons les sociétés propriétaires des micro-blogs, telles que Tencent, Sina ou Baidu, à assumer leur responsabilité, et ne pas transformer leurs plates-formes en outil de surveillance gouvernemental”, a ajouté l’organisation.
Censure préalable
Le 13 mars 2012, avant la conférence de presse du Premier ministre chinois Wen Jiabao, prévue pour le jour suivant, le ministère de la Propagande a adressé à tous les médias couvrant l’événement une directive, qui les contraint à relayer seules les informations fournies par l’agence de presse officielle Xinhua et à n’ajouter aucun commentaire supplémentaire. La conférence de presse du 14 mars vient clôturer la session annuelle de l’Assemblée populaire nationale (APN), qui s’était ouverte le 5 mars dernier.
Détention au secret
Le dernier jour de session, l’APN a adopté une révision du code de procédure pénale qui autorise la détention, en lieu secret, des personnes suspectées de crimes “mettant en danger la sécurité nationale”, sans chef d’accusation, pour une période allant jusqu'à six mois. La pratique de l’“assignation à résidence”, déjà largement utilisée par la police en dehors de tout cadre légal, permet la détention de la personne dans sa propre maison ou tout autre endroit choisi par les représentants de l'ordre.
Selon la nouvelle loi, la police devra informer ses proches de la détention dans les 24 heures à partir de son arrestation, sans être toutefois obligées de la renseigner sur les raisons et le lieu de détention. Le texte interdit aussi l’utilisation juridique d’informations obtenues par la torture, oblige l’enregistrement vidéo des interrogatoires et donne le droit aux avocats d’y assister, si le suspect risque une peine de dix ans de prison ou plus.
Un message d’une campagne diffusée sur Sina Weibo par le chercheur Xiong Wei pour retarder le vote avait été reposté 18.000 fois, avant d'être effacé, le 12 mars, par le site de micro-blogging.
Responsabilité des entreprises
Depuis la fin de l’année 2011, la collaboration entre les grandes entreprises du net et le gouvernement chinois s'intensifie. Selon un rapport, publié récemment, sous l’égide du ministère de la Propagande, par le périodique du Parti communiste “前线“ (Frontline), neuf sites internet basés à Pékin, parmi lesquels Sina et Baidu, auraient créé en leur sein des comités populaires du Parti communiste. Ces comités travailleraient à la “purification” du Web, en passant au crible la toile pour identifier et réfuter les “fausses rumeurs”. Le rapport exhorte les propriétaires de sites Internet à créer leurs comités, soulignant la mise à disposition par l’État et le parti de fonds dédiés.
Une étude publiée récemment par des chercheurs américains de l’université Carnegie Mellon montre l’efficacité de la censure sur les réseaux sociaux chinois, censure particulièrement active dans les régions sensibles. Au Tibet, près de la moitié des messages postés sur les réseaux sociaux sont supprimés, contre environ 10% à Pékin et Shanghai.
Les cas de censure sur Internet et de disparitions se sont multipliés en Chine en 2011. Près de cent professionnels des médias et net-citoyens sont actuellement emprisonnés. Parmi ceux qui ont pu raconter leur expérience en détention, beaucoup ont déclaré avoir été victimes de tortures et de mauvais traitements.
Fin de l’anonymat sur les sites de micro-blogging
La nouvelle régulation des sites de micro-blogging est entrée en vigueur le 16 mars 2012 à Pékin. Les internautes sont désormais censés fournir leur véritable nom ainsi que leur numéro de téléphone, pour s’enregistrer sur les plates-formes de micro-blogging. Les internautes déjà enregistrés doivent se conformer à cette nouvelle politique sous peine de ne plus pouvoir publier de messages. D’après Reuters, seuls 19 millions d’utilisateurs avaient enregistré leur véritable identité sur le réseau Sina Weibo au 16 mars 2012, sur un total d’environ 300 millions de membres.
Les villes de Shanghai et Canton pourraient bientôt emboîter le pas à la capitale et imposer des règles d’utilisation similaires. Cette initiative est d’autant plus préoccupante qu’elle conduira très certainement à l’autocensure de la part des internautes, alors que les sites de micro-blogging représentent un véritable contre-pouvoir médiatique dans un pays où l’information officielle est contrôlée de près par les autorités.
La Chine se situe à la 174ème place sur 179 pays recensés dans le classement de la liberté de la presse établi en 2011-2012 par Reporters sans frontières. Elle fait partie des Ennemis d’Internet d’après la liste établie par l’organisation en mars 2012.
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Publié le
Updated on
20.01.2016