Censure et brutalités contre la presse nationale et étrangère lors du soulèvement policier contre Rafael Correa

Justice devra être rendue pour les journalistes de la presse nationale et internationale, victimes de la mutinerie policière du 30 septembre 2010. Ces douze heures de crise, qui ont fait redouter une tentative de coup d’État contre le président Rafael Correa, ont donné lieu à une série d’agressions envers les professionnels des médias par des policiers protestant contre la suppression de leur prime, et à des entraves caractérisées à la liberté d’informer. A 21h30, heure à laquelle le président Rafael Correa est sorti sous protection militaire de l’hôpital où il était retenu par des policiers mutins, une vingtaine d’actes répressifs avaient été répertoriés par Fundamedios, organisation équatorienne de défense de la liberté de la presse. Dans la quasi-totalité des cas, des policiers rebelles ont tenté d’empêcher la couverture des événements en détruisant le matériel des photographes et cameramen présents. La plupart des violences ont eu lieu à Quito, la capitale, et ont pris une tournure extrême lorsque les mutins ont investi l’Assemblée nationale à la mi-journée. D’autres agressions ont été constatées dans les localités d’Ambato, Santo Domingo de Los Tsáchilas, Manta et Portoviejo. Toute la presse équatorienne, qu’elle soit publique ou privée, a payé le prix de cette journée noire. Du côté des médias publics, les équipes de la chaîne Ecuador TV et de la station Rádio Pública ont été particulièrement visées par les rebelles. Asphyxié par une bombe lacrymogène, le reporter radio Ramón Bravo a dû être hospitalisé d’urgence. Dans les rangs de la presse privée, les journalistes des chaînes Ecuavisa, Teleamazonas et du quotidien El Comercio ont subi les mêmes brutalités. A Ambato, la correspondante de Teleamazonas, Edith Jácome, a été blessée à l’oreille par un jet de bouteille. La presse internationale a également fait les frais des manifestations. Les mutins ont retenu plusieurs heures des représentants de la chaîne d’information latino-américaine Telesur. L’Agence France-Presse (AFP) a par ailleurs confirmé l’agression physique de deux de ses photographes et la destruction partielle de leur matériel aux abords de l’hôpital où le président Rafael Correa était séquestré. Plusieurs journalistes, dont notre correspondant, ont été empêchés d’accéder à l’édifice. Prise d’assaut vers 19 heures par un groupe de policiers, Ecuador TV (publique) a vu ses programmes interrompus avant leur reprise sur le signal de Gama TV, chaîne privée sous tutelle de l’État. La chaîne privée Ecuavisa a, quant à elle, échappé de peu à une tentative de sabotage, d’après sa rédaction. Tous ces faits appellent une réponse judiciaire, et la réaffirmation - par le gouvernement et la société civile - d’un consensus général autour des libertés fondamentales garanties dans le cadre constitutionnel. Reporters sans frontières joint sa voix à celles d’autres organisations, notamment Fundamedios et l’Association mondiale des radios communautaires (AMARC), pour condamner sans réserve la tentative de renversement d’un pouvoir démocratiquement élu, comme nous l’avons fait à la suite du coup d’État au Honduras du 28 juin 2009. La défense de la liberté de la presse ne va pas sans celle des règles de l’État de droit. Le rappel de la tragédie hondurienne nous amène néanmoins à souligner une différence majeure entre les deux contextes. Si certains médias ont pris une part active au coup d’État au Honduras en juin 2009, rien de tel en Équateur lors de cette journée du 30 septembre 2010. C’est pourquoi nous regrettons d’autant plus la “cadena” (message officiel) que le gouvernement équatorien a imposée à tous les médias audiovisuels - les obligeant à se connecter au signal d’Ecuador TV - alors que la situation était en train de se dénouer. Ce procédé porte atteinte au pluralisme et à la liberté d’expression. (Photo : AFP)
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Updated on 20.01.2016