L'armée a interdit à des directeurs de journaux tamouls de reprendre des informations jugées favorables aux Tigres tamouls. Le traitement de la crise humanitaire à Jaffna et d'une série enlèvements de civils dans le pays dérange également les autorités militaires.
Reporters sans frontières dénonce une campagne d'intimidations menée par les forces de sécurité sri lankaises pour imposer par la force l'autocensure à la presse tamoule.
"Alors que la situation politique et humanitaire requiert une information libre et pluraliste, les parties au conflit, et plus particulièrement l'armée, imposent par la force la censure et l'autocensure. Le gouvernement doit réagir et garantir aux médias tamouls leur liberté de ton et d'enquête", a affirmé l'organisation.
Depuis la reprise du conflit entre l'armée et les Tigres tamouls (LTTE), des dizaines de journalistes tamouls ont été contraints de se taire ou de se cacher. Par peur des représailles, la majorité des correspondants des médias tamouls dans l'Est ne signent plus leurs articles. "Dans les médias tamouls, le journalisme d'investigation est mort et tout le monde s'autocensure", a récemment expliqué à Reporters sans frontières un patron de presse, lui-même victime d'intimidations.
Reporters sans frontières considère que le Sri Lanka est l'un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes.
Le 6 novembre, des officiers de la 512e division de l'armée ont convoqué à leur bureau les directeurs des journaux tamouls Uthayan, Yarl Thinakural et Valampuri à Jaffna. Les militaires leur ont demandé de ne plus publier d'informations venant des Tigres tamouls, et surtout de ne pas reprendre le message de Veluppillai Prabakaran, leader des LTTE, à l'occasion de la Journée des héros du 27 novembre prochain.
Selon des journalistes de Jaffna, les officiers ont également reproché aux directeurs de publication leurs nombreux articles sur la crise humanitaire dans la péninsule de Jaffna. Les journalistes auraient refusé de se plier aux demandes des militaires de cesser d'écrire que le manque de nourriture et d'essence est notamment du à l'embargo de l'armée autour de Jaffna.
Selon le Free Media Movement, cette convocation fait également suite à la publication d'une interview de l'ancien responsable politique du LTTE à Jaffna. Déjà, en septembre, des militaires avaient convoqué pour les menacer des journalistes de Jaffna.
Toujours le 6 novembre, Victor Perera, le nouveau directeur de la police, a accusé les médias de publier des fausses informations sur la vague d'enlèvements de tamouls dans le pays. Selon le journal gouvernemental Daily News, il a demandé aux médias de publier des informations quand l'enquête de police est achevé et de ne pas se "précipiter pour publier de fausses informations." Selon l'Asian Human Rights Commission, près de 700 tamouls ont été enlevés depuis le début de l'année 2006.
Début novembre, George David de l'agence Reuters et du groupe audiovisuel Sirasa, a été menacé par des soldats à Trincomalee (Est). "Nous avons des suspicions. Nous avons le pouvoir et nous pouvons tout faire", a affirmé un officier au journaliste lors d'une patrouille. Les autorités, notamment le chef de la police locale, ont été informées de l'incident.
Fin octobre, lors de la Conférence de paix de Genève, le chef de la délégation gouvernementale, le ministre Nimal Siripala de Silva, a accusé le service cingalais de la BBC World Service d'être en faveur du LTTE. L'officiel a accusé un reporter de la radio britannique d'être un "salarié" des Tigres tamouls.
Enfin, les forces de l'ordre dans l'est du pays ne font rien pour rétablir la libre circulation de plusieurs médias tamouls. En effet, des groupes paramilitaires ont interdit de fait la distribution des journaux Virakesari, Thinakural et Sudar Oli, jugés favorables au nationalisme tamoul. Le 22 octobre, des paramilitaires du groupe Karuna (dissident du LTTE) ont brûlé 10 000 exemplaires de Virakesari près de Batticalao (Est).