Cachemire : plusieurs journalistes empêchés de couvrir la fête nationale indienne

La police indienne a interdit à une dizaine de reporters cachemiris de couvrir la célébration du jour de la République, l’une des trois fêtes nationales en Inde, malgré leur accréditation. Reporters sans frontières (RSF) dénonce avec la plus grande fermeté une grave atteinte au libre exercice du journalisme.

Des “rapports négatifs” émis par la police… C’est le prétexte avancé par les services de sécurité pour empêcher une dizaine de journalistes de pénétrer dans le stade de Sher-i-Kashmir à Srinagar, la capitale cachemirie, samedi 26 janvier. Dûment accrédités par les autorités de l’Etat du Jammu-et-Cachemire, les reporters devaient y couvrir les festivités du 70e Jour de la République, l’une des trois fêtes nationales indiennes, qui célèbre l’entrée en vigueur de la Constitution. Aucune explication supplémentaire n’a été fournie pour justifier leur exclusion.


Parmi eux, le photographe de l’Agence France-Presse Tausseef Mustafa n’a pu que faire part de son incompréhension auprès de RSF: “J’ai couvert des dizaines de cérémonies similaires avant, sans en être banni, explique-t-il. Tout ce que je constate, c’est que les services de sécurité ne nous laissent désormais plus accomplir nos devoirs professionnels en tant que journalistes.”


“Cette violation patente de la liberté de la presse est d’autant plus choquante qu’elle concerne un événement fondamental de la République indienne et de son Etat de droit, regrette Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Ce diktat imposé par la police s’apparente à une mesure d’intimidation contre les journalistes qui ne suivraient pas la ligne officielle des autorités indiennes et seraient ainsi placés sur une ‘liste noire’. Nous appelons les autorités de l’Etat du Jammu-et-Cachemire à faire toute la lumière sur ce dysfonctionnement intolérable et à mettre un terme à la recrudescence des exactions qui frappent les journalistes dans la vallée.”


Raidissement


Au moins neuf journalistes se sont vus refuser l’accès aux célébrations du Jour de la République. Certains travaillent pour des groupes internationaux, comme Yusuf Jameel, Mehraj ud Din et Umer Mehraj, de l’Associated Press, ou Danish Ismail de Reuters. D’autres couvrent les événements au Cachemire pour le reste de l’Inde, comme Bilal Bhat, de l’agence indienne Asian News International, ou Ashraf Wani, de la chaîne de télévision Aaj Tak. Enfin, certains  travaillent pour des médias régionaux comme Habib Naqash et Amaan Farooq, du quotidien Greater Kashmir.


Cet incident intervient dans un contexte de raidissement des services de sécurité indiens concernant la liberté de la presse dans la région septentrionale du Cachemire. La semaine dernière, RSF a dénoncé le comportement de certains membres des forces de l’ordre qui avait délibérément visé quatre photoreporters avec des fusils à billes de plomb. Le journaliste du Kashmir Narrator Aasif Sultan est toujours placé en détention depuis plus de cinq mois, au motif d’accusations parfaitement fallacieuses. En juin dernier, le rédacteur en chef du célèbre quotidien Rising Kashmir Shujaat Bukhari était assassiné par balles à Srinagar.


Affectée, entre autres, par la situation des journalistes au Cachemire, la position de l’Inde dans le Classement mondial de la liberté de la presse stagne à la 138e place sur 180 pays.

Publié le
Mise à jour le 28.01.2019