Bulgarie : les autorités ignorent les menaces de mort à l’encontre d’un journaliste anti corruption

Nikolay Staykov, journaliste d’investigation bulgare, a reçu plusieurs menaces de mort après la diffusion de son documentaire sur une affaire de corruption impliquant de hautes institutions étatiques. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de mener une enquête indépendante et approfondie sur les intimidations dont il est l’objet et de lui garantir sans délai une protection policière.

Après avoir reçu des dizaines d’appels anonymes faisant référence aux pompes funèbres sur son téléphone personnel, Nikolay Staykov, journaliste d’investigation spécialisé dans les affaires de corruption dont les analyses sont relayées par la presse bulgare et étrangère, a déposé plainte auprès des services de police. Celle-ci est restée sans suite et la police n’a pas non plus jugé nécessaire de lui octroyer une protection.


Les autorités bulgares doivent assurer la protection de Nikolay Staykov et mener une enquête approfondie et indépendante sur ces menaces inquiétantes,” déclare Pavol Szalai, responsable du bureau UE/Balkans de RSF. Une absence de réaction rapide de leur part ne ferait qu’encourager ce type de pressions à l’égard des journalistes d’investigation.”


Les intimidations et la vandalisation de sa maison avec des oeufs sont manifestement liées à la diffusion de la première partie de son documentaire The Eight Dwarfs (la seconde partie est sortie le 2 juillet) par l’ONG Anti-Corruption Fund (ACF) dont Nikolay Staykov est le co-fondateur.


L'enquête dévoile comment certaines entités officielles bulgares, dont le bureau du procureur, sont impliquées dans l'escroquerie financière dont a été victime Iliya Zlatanov, propriétaire majoritaire d’Izamet, le plus grand fabricant d’ascenseurs de Bulgarie.


Les menaces de mort à l’égard du journaliste ont commencé le 18 juin après que celui-ci a tenté de contacter pour son documentaire un des protagonistes de l’affaire, Petyo Petrov, avocat et ancien chef des enquêtes du bureau du procureur général de la ville de Sofia. Comme un fait exprès, elles ont cessé dès que l’ACF les a rendues publiques.


Suite aux révélations du journaliste, le bureau du procureur a déposé plainte à son tour le 26 juin et une enquête préliminaire a été ouverte afin de faire la lumière sur les faits allégués. Le journaliste a été auditionné dans la foulée par l'unité spécialisée du Bureau du procureur de Sofia, dont l'ancien chef n’est autre que le frère de Petyo Petrov, un des protagonistes visés dans le documentaire. 


Enfin, le jour du dépôt de la plainte, c’est le Procureur général Ivan Geshev lui même qui est monté au créneau en accusant l’ACF d’avoir des liens avec Ivo Prokopiev, le propriétaire d'Economedia, un groupe de médias indépendants très critiques envers le gouvernement.


Les pressions exercées contre les journalistes d’investigation qui enquêtent sur les affaires de corruption sont fréquentes en Bulgarie. A l’origine des plus grosses révélations de scandales politiques ces dernières années, le journaliste Atanas Tchobanov et ses collègues de Bivol.bg sont constamment sous pression : menaces, tentative de meurtre, surveillance, filatures, écoutes, contrôles du fisc, poursuites judiciaires, enquêtes sur leurs biens immobiliers… Le parquet bulgare a même demandé à la justice française d’enquêter sur cet ex-réfugié politique résidant en France. Rossen Bossev, un reporter de Capital (groupe Economedia) a pour sa part été condamné en 2019 pour diffamation après avoir émis des critiques sur la gestion du régulateur boursier quatre ans auparavant.


La Bulgarie, pourtant membre de l’Union européenne, occupe pour la troisième année consécutive la 111ème place dans le Classement mondial RSF de la liberté de la presse 2020, loin derrière les autres pays de la région. 

Publié le
Updated on 03.07.2020