Bulgarie : le nouveau gouvernement risque de rater son rendez-vous avec la liberté de la presse

Les députés d’un des principaux partis du gouvernement bulgare proposent de restreindre l’accès à l'information publique. Reporters sans frontières (RSF) exhorte la majorité au pouvoir à rejeter fermement ces amendements et à faire preuve de bonne volonté en adoptant des mesures positives pour le journalisme.

Le nouveau gouvernement bulgare a promis de respecter “les principes de l’état de droit, de l’efficacité (…) de la transparence (…) et de la résilience à la corruption.” Or, à peine arrivée au pouvoir de ce pays miné par la corruption, la nouvelle majorité est sur le point de porter atteinte à ces mêmes valeurs, en s’en prenant au droit à l’information.  

Neuf députés du parti de centre droit GERB de l’ancien Premier ministre Boïko Borissov, membre de la coalition au pouvoir, ont proposé au Parlement de revenir sur la loi sur l’accès à l’information. Ils ont profité de la transposition d’une législation européenne pour introduire le 19 juin dernier des amendements qui restreignent à la fois la liste des demandeurs éligibles et le type de documents accessibles. Une nouvelle condition “d’intérêt légitime” et “d’appartenance à une communauté locale” imposée au demandeur implique, par exemple, qu'un journaliste domicilié dans la capitale bulgare ne pourra pas accéder aux comptes d’une autre ville, alors que l’information est définie comme publique par la loi. Par ailleurs, l’exclusion des principaux documents comptables du champ d’application de la loi privera le journaliste – et par procuration le public – du droit de regard sur les factures et les reçus de la dite mairie ou de toute autre institution.

Si la direction du parti GERB a fini par prendre ses distances avec la proposition de ses députés, leurs amendements restent déposés au Parlement.

Après deux ans d’inaction de l’État bulgare en matière de liberté de la presse, les attentes sont grandes. Mais le gouvernement de Nikolay Denkov risque de rater ce rendez-vous crucial pour les citoyens bulgares. Nous exhortons la nouvelle majorité à rejeter fermement les amendements qui restreignent l’accès à l’information publique. Nous avons aussi besoin d’une preuve de bonne volonté sous forme de mesures positives pour le journalisme.

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

En plus des changements concernant la loi sur l’accès à l’information, la commission des lois du parlement bulgare se penchera, le 22 juin prochain, sur les amendements au code pénal qui proposent de ramener les amendes légales pour diffamation publique des fonctionnaires au même niveau que celles infligées pour diffamation de toutes autres personnes. La réduction de la sanction financière diminuerait le risque de harcèlement judiciaire des journalistes bulgares de la part des dirigeants politiques et hauts fonctionnaires. Si les amendements au code pénal font partie des recommandations faites pour la Bulgarie, il y a deux ans, par RSF, les amendements à la loi sur l’accès à l’information vont à leur encontre. En 2021, RSF avait demandé d'élargir le champ d'application de la loi sur l’accès à l’information et de limiter les motifs possibles de refus d'accès. 

De surcroît, l'initiative des députés du GERB contredit – selon l’analyse du juriste Alexander Kashamov – la constitution bulgare et les standards européens et internationaux en la matière. La réduction des amendes pour diffamation, quant à elle, serait conforme à la recommandation de la Commission européenne contre les procédures-bâillons. En l’adoptant, la majorité co-présidée par l'ancienne commissaire européenne Mariya Gabriel pourrait traduire son engagement pro-européen en une mesure concrète. 

La Bulgarie se situe à la 71e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.

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