Bulgarie : l’absence de neutralité de la chaîne publique démontre l’urgence de mettre en place des garanties solides

Lors de la campagne avant les élections législatives de juillet, la Télévision nationale bulgare (BNT) n’a pas respecté son devoir de neutralité comme la loi l’impose. Reporters sans frontières (RSF) demande aux forces politiques du nouveau parlement des réformes approfondies et systémiques pour renforcer l’indépendance des médias publics.

Lors de la campagne avant les législatives anticipées du 11 juillet, la BNT n’a pas rempli sa mission de service public en avantageant le GERB, parti au pouvoir jusqu’en avril 2021. En effet, le rapport d’observation de l’OSCE mentionne que “sur BNT1, pendant les journaux télévisés du matin et du soir aux heures de grande écoute, tous les candidats n'ont bénéficié que d'un total combiné de 28 minutes, qui ont été largement consacrées au GERB (17 minutes), sur un ton essentiellement positif”. Or, la loi oblige ce média public à s’en tenir, pendant la campagne électorale, à la neutralité et à l’égalité dans la présentation des forces politiques. Un échec dans sa mission de service public, qui est d’autant plus flagrant que peu après les élections législatives du 4 avril 2021, le gouvernement du Premier ministre Boyko Borissov a alloué à la BNT l’équivalent de 10 millions d’euros supplémentaires pour couvrir ses dettes accumulées. Le rapport de l’OSCE précise qu’ “un certain nombre d'interlocuteurs [des membres de la mission d’observation électorale] ont perçu cette allocation comme une récompense pour une politique éditoriale favorable.”

 

La partialité de la BNT a provoqué un conflit entre le ministre de la Culture, Velislav Minekov, et le directeur général de la BNT, Emil Koshlukov, dont la nomination à la tête de la BNT est politique, ce dernier étant un ancien directeur de programme d’une chaîne du parti politique d’extrême droite Ataka. Le ministre intérimaire a accusé le média public d'enfreindre les lois en avantageant le GERB, de menacer la sécurité nationale -- la chaîne publique étant une institution clé d’Etat -- et a demandé la démission de Koshlukov. Dans la foulée, la membre du Conseil des médias électroniques (CEM) Ivelina Dimitrova a démissionné, le 28 juin dernier, en -- soulignant l’impuissance du régulateur vis-à-vis du parti pris de certains médias avant les élections et en ajoutant que “les attaques personnelles (...) ne créent pas l'atmosphère favorable à la recherche des réponses aux questions que la société attend."


Au manque d’indépendance de la télévision publique s’ajoutent  les refus injustifiés de prolonger des contrats de travail ainsi que les licenciements ou départs imposés de dizaines de salariés de la BNT qui ont eu lieu sous la direction de Koshlukov. Depuis juin dernier, des anciens journalistes du média public, parmi eux la journaliste Iskra Angelova, dont le contrat a été suspendu en 2019, réclament la démission de tous les membres du CEM et proposent de changer les règles de sélection afin qu’elles permettent à des personnes sans liens politiques et reconnues pour leur professionnalisme d’y siéger. 


“Nous soutenons ces journalistes dans leurs efforts d’apporter une réforme au média public qui mérite d'être considérée par les autorités,” déclare le responsable de la zone UE/Balkans à RSF, Pavol Szalai. “Il est temps que le parlement élu lors des dernières élections fasse enfin des réformes approfondies et systémiques pour remédier au manque d’indépendance de la chaîne publique. Par ailleurs, nous les appelons à s’emparer des propositions faites par RSF avant les élections avec l’objectif de sortir la liberté de la presse de l’impasse dans ce pays au dernier rang dans l’Union européenne de notre Classement de la liberté de la presse.”


Les recommandations faites par RSF en mars dernier consistent, entre autres, à renforcer l'indépendance des médias publics en garantissant leur indépendance financière et une plus grande transparence des dépenses, ou encore en modifiant la procédure et les critères de sélection des hauts responsables chargés des médias publics afin de s'assurer qu'il s'agit de professionnels apolitiques. Dans son rapport sur l’état de droit en Bulgarie publié le 20 juillet dernier, la Commission fait le même diagnostic que RSF en ce qui concerne la liberté de la presse dans le pays et critique les autorités pour le manque de réponse aux propositions de l’organisation.


La Bulgarie occupe la 112e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 10.08.2021