Bulgarie : deux journalistes d’investigation à l'origine de révélations sur un scandale immobilier victimes d’un coup monté

Après avoir révélé en mars dernier un important scandale immobilier impliquant plusieurs hauts fonctionnaires bulgares, deux journalistes d’investigation du site Bivol sont au coeur d’une enquête judiciaire ouverte par le procureur général. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une campagne d’intimidation montée de toutes pièces visant à dissuader les journalistes de poursuivre leurs investigations et demande des explications au parquet.

Auditionné par la Direction générale de la police le 13 juin 2019, le journaliste bulgare Assen Yordanov est avec son collègue Atanas Tchobanov au coeur d’une enquête judiciaire ouverte par le procureur général Sotir Tzatsarov. Sur la base d'un soit disant rapport signé de BOETS une ONG anti corruption, le parquet bulgare les accuse d’avoir fraudé et acquis, il y a plusieurs années, des biens immobiliers à des prix bien inférieurs à ceux du marché. Des accusations que dément l’ONG qui a d’ailleurs porté plainte pour usurpation d’identité.

Les journalistes ont tous les deux publié les actes notariés d’acquisition de leurs biens et expliqué à RSF que rien ne justifiait l’ouverture de cette enquête.

Le site d’investigation Bivol a publié depuis mars dernier une série de révélations sur des soupçons de fraude entourant l’achat d’appartements de luxe dans des conditions douteuses par de hauts fonctionnaires bulgares proches du GERB, la formation du Premier ministre Boïko Borissov. Parmi les personnalités impliquées dans ce scandale “Apartment Gate”, figure justement le nom du procureur général Sotir Tzatsarov - à l’origine de l’enquête contre les deux journalistes- soupçonné d’avoir acquis en 2018 une résidence près de la ville de Peshtera à un prix bien inférieur à ceux pratiqués dans la région.

RSF s’inquiète de nouvelles pratiques qui visent à faire taire des journalistes d’investigation sur la base de coups montés de toutes pièces et demande au parquet bulgare de de s’expliquer sur ce qui motive l’ouverture d’une enquête déclare Pauline Adès-Mével, responsable de la zone Union européenne et Balkans de RSF.  Fausses accusations de trafic de drogue en Russie, fausses plaintes pour corruption montées de toutes pièces en Bulgarie; jusqu’où iront les ennemis de la liberté de la presse et des journalistes d’investigation ?

La situation est d’autant plus inquiétante que les attaques répressives de l’État visant à anéantir économiquement les journalistes en les soumettant à des pressions sont menées en coordination avec celles des médias progouvernementaux de l’oligarque Delyan Peevski. Le quotidien pro gouvernemental TRUD avait d’ailleurs publié un article anonyme sur l’état des biens des reporters de Bivol récemment.

Les affaires se multiplient : le 21 mai le journaliste de l’hebdomadaire Capital Weekly  Rossen Bossev a été sévèrement condamné pour diffamation publique dans une affaire qui l’opposait à un ancien président du régulateur boursier bulgare.

RSF est également préoccupée par le cas du journaliste d’investigation du site Zov News, Hristo Geshov, enlevé et séquestré par des inconnus en mai 2019 puis forcé d’effacer son enquête sur l'approvisionnement illégal en eau de sa ville, Troyan.

La Bulgarie, qui selon la Commission européenne dans son dernier rapport a échoué à réaliser des progrès significatifs en matière de corruption au cours des dix dernières années, figure à la 111ème place sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.

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Mise à jour le 18.06.2019