Brésil : RSF et dix organisations interpellent le président de la Cour suprême face au fléau du harcèlement judiciaire des journalistes

L'utilisation abusive du système judiciaire comme stratégie pour faire taire les journalistes s'intensifie au Brésil et la Cour suprême a l'opportunité d'enrayer cette tendance. RSF et dix autres organisations de défense de la liberté de la presse demandent au président de la Cour suprême de s'engager sur un programme ambitieux de lutte contre le harcèlement judiciaire.

C’est la fin d’un calvaire judiciaire pour l’équipe du journal Gazeta do Povo. Au début du mois, la Cour suprême a annulé des dizaines d'actions en justice pour diffamation intentées contre le média, depuis 2016, par des juges et des procureurs de différentes villes de l'État de Paraná. La Cour suprême a alors reconnu un "exercice dysfonctionnel – et illégitime – du droit d'action" de la part des magistrats, "dans le but d'intimider la presse"

À la suite de cette décision, le 16 octobre, RSF et dix autres organisations de défense de la liberté de la presse nationales et internationales ont rencontré le nouveau président de la Cour suprême, Luís Roberto Barroso, au siège du Conseil national de la justice (CNJ). Elles l’ont alerté sur la multiplication d’affaires comme celle du journal Gazeta do Povo. 

Deux recours en inconstitutionnalité contre des procédures laissant la porte ouverte au harcèlement des journalistes seront examinés prochainement par la Cour suprême. RSF est amicus curiae dans l'un des procès (ADI 7055). À ce titre, l’organisation demande à la Cour suprême d'ordonner que, dans les cas d'actions judiciaires intentées contre un journaliste ou un média dans plusieurs villes à l’instar du modus operandi constaté dans l’affaire du journal Gazeta do Povo –, elles soient toutes jugées dans le lieu de résidence du journaliste ou du siège du média. S’il a déclaré avoir demandé un réexamen concernant les deux recours, le juge Barroso s’est engagé à prendre en considération les préoccupations de la presse

La décision de la Cour suprême dans l’affaire Gazeta do Povo reconnaissant un ‘abus du droit d’action’ pour intimider et contraindre la presse à cesser de publier des informations d'intérêt public inconfortables pour les juges et les procureurs est fondamentale. En effet, ce type de recours abusifs aux tribunaux dans le simple but de réduire les journalistes au silence se multiplient au Brésil. Dans les deux recours qu’elle examinera prochainement, la Cour suprême a une opportunité historique de donner une réponse qui contribuera à enrayer cette inquiétante tendance qui affaiblit les garanties du droit à la liberté de la presse dans le pays.

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique latine de RSF

Autre inquiétude : la responsabilité des propos tenus par des interviewés

Lors de la rencontre avec le président de la Cour suprême du 16 octobre, RSF et ses partenaires, ont également exprimé leur profonde inquiétude quant à l'imputabilité aux médias et aux journalistes de la responsabilité légale des propos tenus par les personnes qu’ils interviewent. Une épée de Damoclès, qui pourrait entraîner une autocensure et une restriction du droit à l'information de la population, et sur laquelle la Cour suprême aura également à se prononcer prochainement. Face à l’importance de la décision et de ses conséquences, les organisations de défense de la liberté de la presse ont demandé au président de la Cour suprême de consulter la société civile avant de statuer.

Le rendez-vous s'est déroulé en présence de : 

  • Reporters sans frontières - RSF
  • Association brésilienne de journalisme d'investigation - Abraji
  • Association brésilienne des radiodiffuseurs et télédiffuseurs - Abert
  • Association nationale des journaux - ANJ 
  • Association de la presse brésilienne - ABI
  • Reporters sans frontières - RSF
  • Association de journalisme numérique - Ajor 
  • Institut Tornavoz
  • Comité pour la protection des journalistes - CPJ 
  • Intervozes 
  • Fédération nationale des journalistes - FENAJ 
  • Institut Open Word 

La coalition comprend également

  • Institut Vladimir Herzog - IVH
  • Association des journalistes de l'éducation - Jeduca
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