Birmanie : un troisième journaliste tué par la junte en moins d’un mois

Pu Tuidim, fondateur d’un groupe de presse basé dans l’ouest de la Birmanie, a été enlevé par des militaires, avant d’être sèchement abattu. Reporters sans frontières (RSF) condamne avec la plus grande fermeté le meurtre barbare de ce journaliste, qui tentait d’informer ses concitoyens sur les affrontements qui opposent la junte aux rebelles armés.

C’est le troisième journaliste birman tué en à peine trois semaines. Le corps sans vie de Pu Tuidim a été retrouvé dans la matinée du dimanche 9 janvier à Matupi, un canton situé dans les zones montagneuses de l’ouest de la Birmanie. Deux jours plus tôt, alors qu’il couvrait des échauffourées entre la rébellion armée locale et les forces de la junte, il avait été enlevé par des militaires en compagnie de neuf autres civils. Utilisé comme bouclier humain, il a finalement été abattu par ces mêmes soldats de la Tatmadaw, l’armée birmane.

 

Pu Tuidim était le fondateur de l'agence de presse Khonumthung Media Group, du nom de la plus haute montagne de l’Etat Chin - une zone escarpée sur le frontière indo-birmane, où le média est basé. De façon tragique, le portail web de l’agence venait justement de publier un article sur la pratique du recours à des civils comme boucliers humains par les militaires. 

 

“Cruauté, cynisme, barbarie… Il n’existe sans doute pas de terme assez fort pour qualifier l’assassinat sordide de Pu Tuidim, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Il est déjà le troisième journaliste tué en Birmanie en moins d’un mois - signe de la  dérive actuelle absolument intolérable de  la junte. Nous appelons la communauté internationale à durcir les sanctions imposées à ses dirigeants pour mettre un terme à cette fuite en avant dans la terreur.”

 

Les collègues de Pu Tuidim ont publié un communiqué dans la soirée du 9 janvier pour condamner cette pratique et regretter la mort de leur rédacteur en chef, “causée par les atrocités du conseil militaire”. Le message s’est répandu dans tout le pays autour d’un mot-dièse qu’on peut traduire comme “Deuil spécial” (#အထူးဝမ်းနည်းကြေကွဲခြင်း, en birman).

 

Recrudescence de journalistes tués 

 

Le 25 décembre dernier, Sai Win Aung, chef d’édition du Federal News Journal, a été tué par balles dans l’est du pays, près de la frontière thaïlandaise, dans un assaut lancé par l’artillerie de la Tatmadaw, l’armée birmane. Il couvrait lui aussi des combats avec des membres des Forces populaires de défense (FPD), la résistance armée à la junte.

 

Dix jours plus tôt, le 14 décembre, c’est le photoreporter indépendant Soe Naing qui est mort sous la torture, au terme de quatre jours de détention. Il avait été arrêté quatre jours plus tôt alors qu’il couvrait une manifestation silencieuse organisée dans les rues de Rangoun. 

 

En parallèle à cette recrudescence de journalistes tués, le nombre de professionnels des médias actuellement emprisonnés en Birmanie s’élève désormais à au moins 59 personnes, d’après le baromètre mis à jour en permanence par RSF.

 

Parmi ces détenus, deux journalistes du Zayar Times, fermé après l’arrivée au pouvoir des militaires, en février 2021, ont été condamnés chacun à deux ans de prison pour “incitation au crime” la semaine dernière. Le vice-rédacteur en chef du journal, Pyae Phyo Aung, et le reporter Myint Myat Aung, également connu sous le nom de D. Myat Nyein, ont tous deux été jugés à l’intérieur de la prison de Shwebo, dans le centre de la Birmanie, où ils sont maintenus en détention. Ils n’ont pas eu accès à un avocat.

 

La Birmanie se situe à la 140e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF début 2021.

Publié le
Mise à jour le 12.01.2022