Birmanie : RSF saisit l’ONU sur le cas du journaliste “Nanda”
A la veille de son troisième mois de détention, Reporters sans frontières (RSF) annonce avoir saisi cette semaine le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire au sujet du vidéo-journaliste Aung Kyi Myint, dit “Nanda”, qui croupit en prison pour des motifs totalement fallacieux.
“Il est désespéré, au point de vouloir se lancer dans une grève de la faim.” C’est le triste constat relayé auprès de RSF par Min Din, rédacteur en chef de Channel Mandalay TV, et confrère d’Aung Kyi Myint, qui signe ses reportages sous le nom de Nanda. Arrêté il y a trois mois, le 15 mai 2019, après avoir simplement retransmis en direct, sur les réseaux sociaux, les images d’une manifestation, Nanda a été accusé de violences à l’encontre de la police et de l’armée, prétendument à l’aide d’un bâton - sans qu’aucun indice concret ne vienne étayer cette version.
Au contraire, selon Min Din, les images tournées par son vidéo-reporter montrent que ce sont les policiers qui frappent les manifestants. Il a d’ailleurs fallu attendre un mois pour qu’un juge inculpe formellement le journaliste, vraisemblablement sur ordre du colonel Kyaw Kyaw Min, ministre de la Sécurité de la région de Mandalay, au centre du pays. Nanda risque une peine cumulée de 17 ans de prison.
“Nous appelons les enquêteurs du Groupe de travail des Nations unies à se saisir de ce cas flagrant de détention arbitraire, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Les 500 jours de prison endurés par les journalistes de Reuters, Wa Lone et Kyaw Soe Oo, ont montré de façon éhontée à quel point la justice birmane est soumise à l’arbitraire des forces de sécurité. C’est pourquoi il est essentiel de porter la voix des autres reporters birmans qui, comme Nanda, se retrouvent en prison, simplement pour avoir fait leur travail.”
Pression internationale
Des images vidéo prises durant la manifestation montrent clairement que Nanda tient sa caméra dans une main et son téléphone mobile dans l’autre, et qu’il n’adopte à aucun moment une attitude hostile. Fort de ces preuves, la direction de Channel Mandalay a porté son cas auprès du Conseil de la presse de Birmanie.
Malheureusement, cet organe, censé arbitrer les différends entre journalistes et justiciables, manque cruellement d’indépendance et s’est contenté d’un communiqué dénonçant le caractère “inapproprié” de la procédure. Aucune action n’en est sortie, ce qui renforce la nécessité d’une pression internationale qui permettrait de lever enfin la détention du reporter.
Ayant perdu sept places en deux ans, la Birmanie se situe actuellement en 138e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.