Au moins quatorze journalistes blessés par les forces de l’ordre depuis le début de la contestation
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Reporters sans frontières déplore la poursuite des agressions brutales par la police, de professionnels de l’information couvrant le mouvement de contestation “Occupy Gezi Park” (Gezi Parki Isgali) à Istanbul. Selon nos informations, au moins quatorze journalistes ont été blessés, pour certains gravement, depuis le début des troubles, à Istanbul et dans le reste du pays. Des dizaines d’autres ont été affectés par l’usage abusif de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants.
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“Ces émeutes se transforment en vague de contestation antigouvernementale et ont fait deux victimes et de nombreux blessés parmi les manifestants et les observateurs du mouvement. Nous regrettons que malgré les multiples appels au calme lancés depuis la fin de semaine dernière et le retrait partiel des forces de police de la place Taksim à Istanbul, les violences policières continuent”, a déclaré Reporters sans frontières.
“Nous condamnons avec vigueur le fait que plusieurs journalistes ont été délibérément pris pour cibles par les forces de l’ordre durant les événements. Nous nous joignons à l’indignation ressentie et exprimée par des dizaines d’autres organisations, comme l’Association turque des journalistes (TGC). Nous demandons que la sécurité des journalistes couvrant les manifestations soit garantie et que le mouvement de contestation bénéficie d’un traitement neutre et impartial sur les médias publics”, a poursuivi l'organisation.
Le mouvement de contestation vis-à-vis du pouvoir et de son projet d’urbanisme au Parc Gezi, situé sur l'emblématique place Taksim à Istanbul (rive européenne), a causé en une semaine deux morts et plusieurs centaines de blessés selon les derniers bilans. Des professionnels des médias ont été atteints par des jets d’eau et des grenades lacrymogènes lancées contre les manifestants.
Ainsi le photoreporter de l’agence britannique Reuters, Osman Orsal, a été grièvement blessé, le 31 mai, par une grenade lacrymogène qui l’a atteint à la tête. Le journaliste a été touché à proximité du Consulat de France à Istanbul, dans le district de Beyoglu. Transféré à l’hôpital de Taksim, il a subi neuf points de suture. Son état de santé s’améliore.
Osman Orsal est l’auteur d’une photo déjà emblématique de la répression policière lors du mouvement d’occupation du Parc Gezi.
Déluge de balles
Un autre photoreporter du quotidien libéral Hürriyet (« Liberté »), Selçuk Samiloglu, a été touché au cours de la nuit du 31 mai par une balle en caoutchouc tirée à partir d’une arme à feu. Blessé à la main droite, le journaliste a ensuite reçu un projectile sur la tête. Après avoir subi une intervention chirurgicale dans une clinique mobile avoisinante, il a été transporté dans le même hôpital de Taksim pour des points de suture. Ses jours ne sont pas en danger. Le reporter du quotidien de gauche Günlük Evrensel (« Quotidien Universel ») et de la chaîne nationale Hayat TV (« Vie »), Ismail Afacan, a été blessé à l’œil lors d’une intervention de canons à eau depuis un blindé de la police, le 31 mai. Le journaliste a été projeté à terre et sa caméra a été endommagée. Le reporter du quotidien Sol (« Gauche »), Onur Emre, fait aussi partie des journalistes blessés par une capsule de gaz lacrymogène. Son collègue d’Ankara, Fatos Kalaçay, aurait été agressé par les forces de l’ordre alors qu’il couvrait les manifestations en cours dans la capitale en signe de solidarité avec le mouvement de Taksim. Deux autres reporters ont été brutalisés : le journaliste de l’agence de presse Dogan (DHA), Ugur Can, et sa consoeur du quotidien Taraf (« Camps »), Tugba Tekerek, qui aurait également été insultée. Le reporter de la chaîne privée ATV (proche du gouvernement), Mesut Ciftçi, et le cameraman Ismail Velioglu ont été blessés respectivement à l’épaule et à la main par des balles en caoutchouc le 1er juin. Les journalistes ont été admis à l’hôpital de Taksim à Istanbul. Leurs jours ne sont pas en danger. Le reporter du quotidien de gauche Birgün (« Jour »), Olgu Kundakçi, a été, lui aussi, blessé par une balle en caoutchouc reçue à la tête. Un journaliste de la chaîne nationale privée Kanal D, Erhan Karadag, a été interpellé par la police d’Ankara, la nuit du 1er juin, au motif qu’il soutiendrait le mouvement de contestation qui a gagné la capitale. Il a été retenu à la direction de la sécurité d’Ankara puis libéré le lendemain matin. Son avocat affirme que son client a été arrêté pour avoir apporté du lait aux manifestants, afin que ces derniers l’appliquent sur leur visage pour soulager l’effet du gaz lacrymogène. Ahmet Sik, qui a été atteint à la tête le 31 mai, a quitté l’hôpital de Taksim le 1er juin, dans l’après-midi. Ses points de suture à l'arrière du crâne seront retirés dans une semaine.« Silence médiatique »
Sur la place Taksim, les manifestants ont aussi protesté contre les grands médias, y compris les chaînes d’information en continu, lesquels gardent le silence sur le déroulement des événements. Des acteurs, des écrivains, des musiciens, ainsi que des intellectuels ont protesté contre l’attitude des médias de large audience depuis le déclenchement des manifestations. Ces personnalités reprochent aux chaînes NTV (dont le car a été renversé par les manifestants), CNN Türk, Haber Türk, Kanal D, ATV, Star TV, Show TV et TRT, ainsi qu’aux quotidiens Star, Sabah et HaberTürk d’assurer une couverture partiale de l’information. Par ailleurs, certains de ces médias ont diffusé le discours du Premier ministre prononcé devant un parterre d’hommes d’affaires. Dans son discours, Recep Tayyip Erdogan a accusé le CHP (Parti républicain du peuple) d’utiliser ce mouvement à des fins politiques. Il a demandé l’arrêt des manifestations et a été contraint de reconnaître l’usage abusif de la force par la police d’Istanbul, notamment dans son utilisation des gaz lacrymogènes. Une enquête judiciaire est en cours. Les manifestants se sont organisés grâce aux réseaux sociaux qui ont permis un accès immédiat à l’information. Le Premier ministre Erdogan a manifesté le 2 juin, son hostilité vis-à-vis des réseaux sociaux, plus particulièrement Tweeter. Dans certains quartiers d’Istanbul, Internet a été rendu inaccessible pendant quelques heures et certains sites web de médias ont été hackés. Des perturbations ont également été relevées sur les communications par téléphones portables. On en ignore les raisons. Image : Ibrahim Halil Cekici / Anadolu AgencyPublié le
Updated on
20.01.2016