Assassinat d'un journaliste bénéficiant du Programme de protection des journalistes

La Fondation pour la liberté de la presse (FLIP), organisation colombienne de défense de la presse, l'Institut presse et société (IPYS), organisation latino-américaine dont le siège se situe à Lima, Pérou, et Reporters sans frontières condamnent vigoureusement l'assassinat du journaliste Luis Eduardo Alfonso, survenu le 18 mars 2003 dans la ville d'Arauca, département de l'Arauca (nord-est du pays). Alors que le journaliste était censé bénéficier de la protection du programme gouvernemental de protection des journalistes, les trois organisations de défense de la liberté de la presse lancent un appel solennel au président de la république, Álvaro Uribe Vélez, ainsi qu'au ministre de l'Intérieur et de la Justice, Fernando Londoño Hoyos, responsable du programme de protection des journalistes, afin que les mesures de protection proposées aux journalistes par ce programme soient appliquées. "L'assassinat de Luis Eduardo Alfonso constitue un échec pour ce programme. En conséquence, nous vous demandons que les conditions dans lesquelles il fonctionne fassent l'objet d'une étude approfondie. C'est un devoir de l'Etat que de garantir la sécurité des journalistes pour que soit respecté le droit de la société colombienne à être informé", ont-ils ajouté. Les trois organisations ont également exigé du procureur général de la nation, Luis Camilo Osorio, de tout mettre en œuvre pour que les enquêtes sur les agressions contre la presse aboutissent. De même, elles ont demandé à Edgardo Maya, chargé de contrôler le travail de l'administration, d'ouvrir les enquêtes administratives permettant d'identifier la ou les personnes qui avaient à charge la protection de Luis Eduardo Alfonso et d'établir leur responsabilité. Une mission conjointe réalisée fin 2002 par Reporters sans frontières, la FLIP, le Projet Antonio Nariño, l'IPYS et l'Unité de réponse rapide de la Société inter-américaine de presse (SIP), avait mis en avant la vulnérabilité des journalistes dans le Département de l'Arauca et la réponse lente des autorités gouvernementales chargées de leur apporter une protection, comme le requiert l'article 73 de la Constitution nationale. Intitulé "Arauca : l'information en danger", le rapport publié par les cinq organisations constatait que les journalistes de la région de l'Arauca ne pouvaient pas compter sur des mesures de protection de base. Depuis sa publication, sept journalistes, dont deux travaillant pour des médias étrangers, ont été enlevés par les groupes armés dans le département d'Arauca. Trajectoire et assassinat de Luis Eduardo Alfonso Le 18 mars à 4h40 du matin, le journaliste Luis Eduardo Alfonso, 33 ans, a été assassiné devant la porte de la radio Meridiano 70 dans la ville d'Arauca. D'après les témoignages reçus par la FLIP, l'IPYS et Reporters sans frontières, le journaliste a été abordé par deux hommes en moto qui lui ont tiré dessus à trois reprises alors qu'il attendait que la porte de la station lui soit ouverte. Son agenda a été retrouvé à quelques mètres du corps du journaliste, ce qui laisse à penser que ce dernier a tenté de prendre la fuite pour se mettre à l'abri. Certains témoins assurent avoir entendu une discussion entre Luis Fernando Alonso et ses agresseurs avant que ne partent les coups de feu. Sur Meridiano 70, Luis Eduardo Alfonso Parada était codirecteur d'un bulletin d'information, retransmis de 6h à 8h le matin et de midi à 13 heures. Il avait remplacé Efraín Varela, qui avait été assassiné le 28 juin 2002. Il était également correspondant du quotidien El Tiempo et collaborateur du service de presse du parlementaire Adalberto Jaimes. Selon Miguel Angel Rojas, l'autre codirecteur de l'information de Meridiano 70, Alfonso Parada s'était spécialisé dans les dénonciations des irrégularités présumées commises par la muncipalité. Mabel Varela, la gérante de la radio, l'avait plusieurs fois mis en garde car ses critiques étaient virulentes et son nom figurait sur plusieurs listes de personnes menacées. Efraín Varela et Luis Eduardo Alfonso Parada avaient tous deux reçu des menaces le 9 septembre 2001. Dans un courrier électronique, les Autodéfenses unies de Colombie (AUC, paramilitaires) avaient assuré qu'avec leur arrivée dans la région, les journalistes de la région devenaient des objectifs militaires. Le 2 juillet 2002, suite à l'assassinat d'Efraín Varela, Luis Eduardo Alfonso Parada et trois autres journalistes avaient dû quitter la région. Le 4 juillet, le journaliste avait dénoncé auprès des autorités compétentes à Bogota les menaces pesant sur sa vie. Le 11 décembre 2002, le Comité d'évaluation et de réglementation des risques (CRER), organisme dirigé par le ministère de l'Intérieur auquel participent des organisations de défense de la liberté de la presse, avait recommandé que soit fourni au journaliste "la protection nécessaire au travers de rondes policières" et qu'il bénéficie d'un garde du corps. Le 18 mars, la FLIP et l'IPYS ont discuté avec le Commandant de la police d'Arauca, le colonel Luis Alcides Morales, qui a précisé être au courant de la situation à risque du journaliste "tout comme celle de près de 300 personnes menacées". Il a déclaré que la police ne pouvait "mettre une escorte derrière chacune d'entre elle". Il y a trois jours, Luis Eduardo Alfonso, avait discuté avec l'IPYS des mesures de protection dont il bénéficiait, précisant qu'elles s'étaient limitées à quelques rondes policières et qu'elles se trouvaient actuellement suspendues.
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Updated on 20.01.2016