« Cette disparition est la preuve que les personnes visées par ce dossier disposent toujours d'un pouvoir de nuisance élevé. Le gouvernement doit des explications sur les négligences graves, voire les complicités, qui ont permis d'en arriver là », a déclaré l'organisation dans une lettre au Premier ministre, Gérard Latortue.
« Cette disparition est la preuve que les personnes visées par ce dossier disposent toujours d'un pouvoir de nuisance élevé. Le gouvernement doit des explications sur les négligences graves, voire les complicités, qui ont permis d'en arriver là », a déclaré Reporters sans frontières dans une lettre au Premier ministre, Gérard Latortue.
« Nous espérons qu'une enquête sérieuse sera menée et que le gouvernement prendra les sanctions qui s'imposent. Celle-ci devra notamment dire qui est à l'origine de ce nouveau rebondissement. Les responsables, quel que soit leur rang, devront être sanctionnés. Nous vous demandons par ailleurs de mettre tous les moyens humains nécessaires à la disposition du commissaire de gouvernement près la Cour de cassation pour que le dossier soit reconstitué dans les meilleurs délais. »
« Il est inouï que cette disparition survienne après le départ de Jean-Bertrand Aristide et alors que vous avez déclaré que la lutte contre l'impunité et le rétablissement de l'Etat de droit étaient vos priorités. Notre indignation est redoublée par le fait que les pièces ont disparu au greffe de la Cour de cassation alors que, depuis plusieurs mois, le dossier aurait dû être transmis au doyen du tribunal de première instance pour qu'un nouveau juge d'instruction soit désigné. Non seulement, faute de nomination, ce dossier n'a pas avancé, mais qui plus est, ce retard de traitement a conduit à ce déplorable épisode », a conclu l'organisation.
Le 3 décembre dernier, Reporters sans frontières avait exprimé sa « déception » soulignant que le gouvernement n'avait « que très partiellement tenu ses engagements », pris en juin 2004, sur les cas des journalistes assassinées Brignol Lindor et Jean Dominique. Le gouvernement avait promis à Reporters sans frontières que la Cour de cassation, où les dossiers étaient bloqués depuis plusieurs mois, se serait prononcée sur les deux affaires avant fin juillet. Aucune décision n'a été rendue sur le cas Lindor et, dans l'autre affaire, la décision de la Cour n'a pas été suivie de la nomination d'un juge d'instruction pour reprendre l'enquête, comme le prévoyait la procédure.
Mystérieuse disparition
Le 4 décembre 2004, Reporters sans frontières a appris que plus de 150 des 190 pièces environ qui constituent le dossier d'instruction sur l'assassinat du journaliste Jean Dominique ont disparu alors que celui-ci se trouvait au greffe de la Cour de cassation. Le 8 décembre, l'association de défense des droits de l'homme National Coalition for Haitians Rights a précisé qu'il restait 32 pièces sur les 196 constituant le dossier. Dans des déclarations à la presse le 9 décembre, le ministre de la Justice, Bernard Gousse, a confirmé que 75 % des pièces avaient effectivement disparu.
Les faits se sont vraisemblablement produits entre le 1er juillet 2004, date à laquelle la Cour de cassation s'est prononcée sur l'affaire, et le mois de novembre. Une enquête a été ouverte.
Une enquête marquée par de nombreuses irrégularités
Jean Dominique, le journaliste et analyste politique le plus connu du pays, a été abattu le 3 avril 2000, dans la cour de Radio Haïti Inter dont il était le directeur. Jean-Claude Louissaint, gardien de la station, est également tombé sous les balles des assassins. Pendant près de quatre ans, presque toutes les institutions de l'Etat ont fait obstacle à l'enquête qui s'orientait vers des proches du président Aristide : mandats d'arrêt non exécutés par la police, morts suspectes de deux témoins après leur arrestation, opposition du Sénat à la levée de l'immunité parlementaire de l'un des siens, refus du président Aristide de renouveler le mandat du juge d'instruction en charge du dossier, tentative d'assassinat contre Michèle Montas, la veuve du journaliste, menaces contre Radio Haïti Inter contraignant la station à fermer, etc.
L'enquête s'est conclue le 21 mars 2003. Six exécutants, déjà détenus, sont inculpés. En revanche, aucun commanditaire n'est désigné. Tant la veuve du journaliste que les inculpés ont fait appel des conclusions. Le 4 août 2003, la cour d'appel de Port-au-Prince a demandé une nouvelle instruction et la libération de trois des six inculpés. Les trois autres ont alors présenté un recours devant la Cour de cassation suspendant de fait la réouverture du dossier.
Celle-ci a finalement rejeté ce recours le 1er juillet dernier. Il appartient depuis au commissaire du gouvernement près la Cour de cassation de transmettre le dossier au commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance afin que son doyen, Me Jean-Joseph Lebrun, désigne un nouveau juge d'instruction qui reprenne les investigations. Cependant, depuis cette date, cette simple formalité administrative n'a pas été remplie. C'est pendant ce délai que des pièces du dossier ont disparu. Dans un courrier adressé à Reporters sans frontières et reçu ce 10 décembre, le ministre de la Justice indique que « le juge d'instruction devant reprendre le dossier a déjà été identifié » et précise que « le ministère de la Justice ne peut donner d'ordre aux juridictions ».