Ardiansyah Matra'is a-t-il été poussé au suicide ?

Reporters sans frontières est attristée par le décès d'Ardiansyah Matra'is, journaliste d'enquête de Merauke TV. Disparu depuis le 28 juillet 2010, son corps a été retrouvé deux jours plus tard à Merauke, dans la province de Papouasie. La cause de la mort de Matra'is n’est pas encore officiellement déterminée, mais son état de santé psychologique indiquerait un suicide. Le journaliste souffrait depuis un an d’une grave dépression consécutive à des intimidations de la part de militaires que lui ont valu ses investigations sur des affaires de déforestation. Reporters sans frontières demande une enquête sérieuse et impartiale pour établir le lien entre le décès du journaliste et les pressions qu’il aurait subies. Après la fuite forcé d’un journaliste enquêtant sur la mafia du bois à Simeuleu, dans la province d’Aceh, la mort d'Ardiansyah Matra'is tend à confirmer qu’enquêter sur la déforestation est un travail des plus dangereux. L’organisation appelle également les autorités de la province de Papouasie à assurer le bon fonctionnement des médias locaux qui, depuis plusieurs mois, font l’objet de menaces régulières à quelques mois d’un scrutin local. Avant de rejoindre Merauke TV, Matra'is a travaillé pour la chaîne nationale ANTV, la revue Jubi, et le quotidien régional Rajawali. ll était en dépression depuis plusieurs mois. En 2009, il avait mené une série d’enquêtes sur la déforestation pour la revue Jubi, à Jayapura (capitale de Papouasie). Il avait réussi à prendre plusieurs photos d’opérations de déforestation menées par les officiers militaires locaux. Selon les témoignages récoltés par Reporters sans frontières, un militaire, membre de l'Agence nationale d'intelligence, se présentant comme journaliste, l'aurait contacté pour lui proposer une enquête sur le même sujet. Mastra'is aurait été séquestré, intimidé et menacé par des officiers de l’armée qui l’auraient invité à retourner dans sa ville natale, Merauke : "Autrement, nous tuerons tous les membres de ta famille", avaient-ils menacé. Mastra'is avait reçu plusieurs traitements en hôpital psychiatrique. Il était inactif depuis plusieurs semaines avant son décès. Dans cette région où l'accès au territoire est interdit aux médias étrangers, plusieurs journalistes locaux ont récemment reçu des menaces de mort par SMS, ceci apparemment en relation avec la préparation d’élections locales prévues pour 2011. Jojo, rédacteur en chef du quotidien Rajawali, a rapporté au site d'informations Kompas.com que depuis plusieurs semaines, un certain nombre de journalistes avaient reçu des menaces de mort par textos : "Aux lâches journalistes, ne jouez pas avec le feu si vous ne voulez pas vous brûler. Si vous souhaitez continuer à travailler dans cette région, ne faites pas des choses bizarres", peut-on lire dans l'un des SMS. L'expéditeur a précisé également dans chaque message que "des journalistes de Papouasie seront tués et la police et l'armée n'agiront pas." Une lettre de sang a également été placée devant la porte de la résidence de Lala, journaliste du quotidien Bintang Papua. Suite aux enquêtes de journalistes locaux sur la destruction des banderoles d'un candidat à l'élection, un autre prétendant a été disqualifié par la commission électorale, a indiqué Jojo, pour son implication dans cet incident. Un porte-parole de la police de Papouasie, Wachyono, a confirmé avoir reçu les plaintes des journalistes à ce sujet. "Une enquête est en cours", a dit le porte-parole.
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Updated on 20.01.2016