Alors que le Nicaragua célèbre la Journée nationale du journaliste, sa liberté de la presse est à l’agonie

La Journée nationale du journaliste au Nicaragua, célébrée le 1er mars, est une honteuse farce, dans un contexte où le gouvernement de Daniel Ortega a presque anéanti le journalisme indépendant du pays. Au cours de l'année écoulée, quatre journalistes ont été arrêtés, dont trois victimes de disparition forcée, et des centaines ont dû s'exiler. Reporters sans frontières (RSF) appelle urgemment la communauté internationale à intervenir et exige que le régime de Daniel Ortega et Rosario Murillo mette fin à la persécution de la presse.

La Journée nationale du journaliste, célébrée le 1er mars, est censée honorer la liberté de la presse. Au lieu de cela, elle rappelle l’ampleur de l'oppression continue à laquelle sont confrontés les journalistes indépendants sous le gouvernement de Daniel Ortega. Selon RSF, quatre journalistes nicaraguayens ont été arrêtés par des agents de l'État au cours des 12 derniers mois, et le sort et le lieu de résidence de trois d'entre eux restent inconnus à ce jour.

La situation est terrifiante et, par peur, de nombreux journalistes indépendants ont cessé de travailler. Selon la Fondation pour la liberté d'expression et la démocratie (FLED), partenaire de RSF, le régime a expulsé au moins 46 journalistes au cours de l'année dernière. Ces actions s'inscrivent dans une stratégie visant à réduire au silence les journalistes indépendants et à contrôler l'accès du public à l'information.

"Ce qui devrait être un jour de fête pour les journalistes nicaraguayens est marqué par la répression, l'exil et les disparitions forcées. Alors que des centaines de personnes ont fui le pays, d'autres risquent la prison ou sont toujours portées disparues après avoir été prises pour cible par le régime de Daniel Ortega et Rosario Murillo. Leur répression a réduit au silence la presse indépendante et menace ceux qui résistent encore au Nicaragua. Reporters sans frontières (RSF) exhorte la communauté internationale à faire pression sur le régime pour qu'il libère les journalistes détenus dans le pays, communique le sort et le lieu où se trouvent ceux qui ont disparu et instaure des garanties pour la liberté de la presse dans le pays.

Artur Romeu
Directeur du bureau RSF Amérique latine

Arrestations et disparitions forcées en 2024

Le cas le plus récent est celui d'Irving Guerrero Montes, 65 ans, ancien correspondant de Radio Corporación et de la chaîne de télévision Canal 23. Le 9 février, quelques semaines seulement avant la Journée nationale du journaliste, il a été arrêté à son domicile à León par la police nationale nicaraguayenne. Le journaliste, qui a eu une longue carrière dans le journalisme local, a passé trois jours en prison et est maintenant assigné à résidence, en attendant son procès pour ne pas avoir, selon les autorités, les documents appropriés pour l'arme.

Le fait qu'Irving Guerrero Montes soit à la retraite n'a pas dissuadé le régime : au Nicaragua, les journalistes à la retraite, en particulier ceux qui ont eu une longue carrière ou occupé des postes élevés, sont des cibles privilégiées. Selon les organisations locales, le gouvernement tente de « repousser » ce qui reste du journalisme dans le pays, en s'attaquant à ceux qui faisaient autrefois partie de la presse indépendante. Un autre des journalistes détenus l'année dernière, Leo Cárcamo Herrera, 61 ans, ancien correspondant de Radio Darío, a été arrêté par des agents de l'État en novembre 2024. On ignore actuellement où il se trouve, ce qui a conduit la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) à prolonger les mesures provisoires en faveur de Leo Cárcamo Herrera et de sa famille le 2 janvier 2025, renforçant ainsi le devoir de l'État du Nicaragua de garantir leur intégrité. La Cour a averti que, en raison de son âge et de ses problèmes de santé, le journaliste court un risque élevé s'il est détenu.

Elsbeth D'Anda, a elle été arbitrairement arrêtée le 27 octobre 2024 après avoir évoqué la hausse du coût de la vie au Nicaragua dans son émission de télévision sur la chaîne CDNN 23. Son arrestation, effectuée sans mandat, s'est accompagnée d'une perquisition à son domicile et de la confiscation de son matériel. Le régime a ensuite tenté de l'impliquer dans des affaires de trafic de drogue et de détention illégale d'armes, une tactique couramment utilisée pour justifier la persécution des journalistes critiques. Le sort et le lieu de détention de la journaliste sont toujours inconnus.

Un autre cas alarmant est celui de Fabiola Tercero Castro, journaliste indépendante et militante féministe dont le sort et le lieu de détention sont inconnus depuis le 12 juillet 2024, date à laquelle la police a perquisitionné son domicile. Ni elle ni sa famille n'ont été revues depuis.

Aucun recours, sauf l'exil

Depuis 2020, le gouvernement nicaraguayen criminalise le journalisme indépendant par le biais de lois répressives, d'une surveillance de masse et de l'exil forcé. La loi sur la cybercriminalité punit les reportages critiques, tandis que la loi sur les agents étrangers restreint le financement des médias. Cela a conduit non seulement à des arrestations et des disparitions arbitraires, mais aussi au bannissement de certains médias et journalistes. Par exemple, la journaliste Valeria Sánchez, célèbre présentatrice de télévision, a reçu un courriel de la compagnie aérienne refusant son retour au Nicaragua le 30 juin 2024, 24 heures avant son départ. Elle revenait d'un voyage à Miami et a été arrêtée par le contrôle de l'immigration de la Direction des migrations et des étrangers lorsqu'elle a tenté d'embarquer.

Le plus souvent, ce sont les journalistes qui se trouvent à l'intérieur du pays qui sont contraints de partir. En avril 2023, Víctor Ticay a été emprisonné pour avoir couvert un événement religieux, puis contraint à l’exil. En novembre 2024, Henry Briceño et sa famille ont été expulsés de force vers le Costa Rica, perdant ainsi leur entreprise et leur maison. Son fils de 11 ans est devenu le plus jeune enfant nicaraguayen à être exilé par le régime. Ils ne sont que deux parmi plus de 300 journalistes exilés du Nicaragua, selon le collectif de défense des droits de l'homme Nicaragua Nunca Más, un pays qui risque de perdre complètement sa presse indépendante.

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