Algérie : la détention d’Ihsane El Kadi reconnue comme arbitraire par les experts de l’ONU

Dans un avis publié le 4 avril 2025, le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU a reconnu que la détention du journaliste algérien Ihsane El Kadi du 24 décembre 2022 au 1er novembre 2024 était arbitraire. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités algériennes à ce que Radio M et Interface Médias puissent enfin reprendre leurs activités.

Fait rare, les experts de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont estimé que la détention du directeur de Radio M et du site d’information Maghreb Émergent était arbitraire au titre de quatre catégories de détention arbitraire retenues par l’instance onusienne. Ainsi, Ihsane El Kadi a été privé de liberté en l’absence de fondement légal, en raison de son exercice du droit à la liberté d’expression, en violation de son droit à un procès équitable, et sur la base de motifs discriminatoires liés à son activité de journaliste. 

Ce constat sans appel souligne le caractère pleinement illégal de l’enfermement du patron de presse algérien au regard des normes internationales. Le journaliste avait été condamné en appel le 18 juin 2023 à sept ans de prison dont cinq ans de prison ferme pour avoir reçu “des fonds et des avantages de provenance étrangère aux fins de se livrer à une propagande politique” et avoir “porté atteinte à la sécurité de l'État [...] et à l'ordre public”.

“Bien que tardive, nous saluons une décision forte, qui donne raison à RSF et au journaliste Ihsane El Kadi. Face aux éléments de preuve, les experts de l’ONU n’ont pu que reconnaître l’arbitraire absolu dont a été victime Ihsane El Kadi. Nous appelons les autorités algériennes à en tirer toutes les conséquences, pour que justice soit rendue et que ces pratiques contre les journalistes indépendants cessent enfin.

Khaled Drareni
Représentant de RSF en Afrique du Nord

Au-delà de reconnaître la détention arbitraire d’Ihsane El Kadi, le groupe de travail encourage les autorités algériennes à mettre sa législation et ses pratiques en conformité avec le droit international et à mener une enquête approfondie sur les circonstances de la privation arbitraire de liberté du patron de presse algérien, pour en sanctionner les responsables. 

Une victoire en demi-teinte

Cette décision forte arrive plus de deux ans après que RSF et la famille d’Ihsane El Kadi ont déclenché cette procédure et cinq mois après la libération du patron de presse.

Par ailleurs, Radio M n'a toujours pas pu reprendre ses activités à la suite de décisions de justice ordonnant la dissolution d’Interface Médias, l'entreprise éditrice de Radio M et Maghreb Émergent, en juin 2024. Gracié par le président Abdelmadjid Tebboune le 30 octobre 2024, Ihsane El Kadi aura passé 22 mois en prison, parce que journaliste et sans aucun fondement. Les actifs de son entreprise d’édition restent toujours confisqués, à la suite d’une décision de la Cour d’appel d’Alger, qui l’a aussi condamné à une amende de dix millions de dinars algériens (environ 70 000 euros) et à indemniser l’Autorité de régulation de l’audiovisuel à hauteur d’un million de dinars (environ 7 000 euros). Son passeport ne lui a toujours pas été restitué ce qui de fait constitue une interdiction de sortie du territoire national.

#FreeIhsaneElKadi : une intense campagne internationale  

Cet avis du groupe de travail est l’aboutissement de la campagne internationale d’envergure menée par RSF en faveur de la libération de ce journaliste respecté en Algérie et à l’étranger pour son indépendance et son intégrité. En plus du groupe de travail, l'organisation avait notamment saisi la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que l’organisation internationale Media Freedom Coalition (Coalition pour la liberté des médias). Elle a également réuni 16 patrons de rédactions de 14 pays, dont le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov, pour demander sa libération. La pétition internationale lancée par RSF pour la libération d’Ihsane El Kadi a également récolté plus de 20 000 signatures. L’organisation avait alors déposé 13 000 enveloppes devant l’ambassade d’Algérie à Paris pour symboliser les premières signatures recueillies fin mars 2023.

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