Algérie : la Cour suprême doit annuler le jugement inique d’Ihsane El Kadi et permettre sa libération

Le directeur de Radio M et de Maghreb Émergent verra son pourvoi en cassation, introduit contre sa dernière condamnation à sept ans de prison dont cinq ans ferme, examiné le 12 octobre. Reporters sans frontières (RSF) appelle la Cour suprême algérienne à jouer son rôle, afin qu’elle corrige un verdict inique, qui maintient Ihsane El Kadi en prison depuis maintenant neuf mois, et permette ainsi sa relaxe dans un dossier judiciaire vide et sa libération.

L’affaire du journaliste Ihsane El Kadi, condamné en appel le 18 juin 2023, malgré un dossier vide, à sept ans de prison dont cinq ans ferme pour des allégations de réception de fonds étrangers,, sera examinée le 12 octobre prochain par la Cour suprême algérienne. Elle prononcera son verdict le jour même ou lors d’une prochaine session de la juridiction (la suivante aura lieu un mois plus tard). Si le pourvoi est accepté, un nouveau procès sera organisé devant une cour d’appel. Sinon, la condamnation sera définitive et la seule voie pour que le journaliste recouvre sa liberté sera une grâce présidentielle. 

“Nous voulons croire que la Cour suprême remplira son rôle qui consiste à corriger des erreurs en droit et qu’elle rendra donc justice à Ihsane El Kadi, dont les avocats ont démontré les multiples violations de procédure ruinant son droit à un procès équitable. Les juges de la Cour suprême peuvent faire la différence en disant le droit, rien que le droit, et en cassant le verdict inique et aberrant du 18 juin dernier. Une décision qui permettrait d’ouvrir un nouveau procès dans lequel la vacuité du dossier judiciaire doit conduire à la relaxe et à la libération du journaliste.

Khaled Drareni
Représentant de RSF en Afrique du Nord

L’annonce de l’audience de la Cour suprême a été accueillie avec un certain optimisme par la famille du journaliste et par ses avocats. “Nous sommes optimistes au regard de tous les motifs de cassation soulevés par la défense”, estime Me Zoubida Assoul, avocate de Ihsane El Kadi. “Si la Cour suprême doit dire le droit dans cette affaire, elle doit casser cet arrêt pour les violations manifestes de la loi de la part des magistrats de la cour d’Alger, aussi bien dans la forme que dans le fond”, ajoute Me Assoul. L’avocate espère que le mémoire du pourvoi en cassation, déposé conjointement avec les avocats Saïd Zahi et Abdallah Habboul, convaincra les juges de la Cour suprême de casser la condamnation inique du 18 juin 2023, et de renvoyer l’affaire à nouveau devant la cour d’appel.

Comme le souligne son avocate, malgré l’absence d’une quelconque preuve matérielle d’une réception de fonds de la part d’un organisme ou d’un État étranger au cours du procès en appel, le directeur des médias indépendants Maghreb Émergent et Radio M a été condamné sur la base de l’article 95 bis du Code pénal punissant de cinq à sept ans de prison “quiconque reçoit des fonds, un don ou un avantage... pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l'État, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l'unité nationale, à l'intégrité territoriale”. Un verdict alourdissant la peine prononcée en première instance et totalement incompréhensible, qui démontre le harcèlement judiciaire dont fait l’objet le journaliste de 64 ans, respecté et reconnu en Algérie et à l’étranger, qui s’est battu pour exercer librement son métier. 

Dans un communiqué transmis à RSF, les enfants d’Ihsane El Kadi parlent d’“injustice”. “L’incarcération de notre père, le 29 décembre dernier, après un enlèvement nocturne quelques jours auparavant, était une énorme injustice. Neuf mois plus tard, ce sentiment d‘injustice s’est hypertrophié, mais l’espoir de le voir libre et rejoindre sa famille n’a jamais été aussi fort. Il nous manque beaucoup. […] L’Algérie a plus que jamais besoin de tous ses enfants pour surmonter les innombrables crises et défis auxquels elle fait face”, concluent Tinhinane et Ghiles El Kadi.

RSF mène une campagne internationale active pour la libération d’Ihsane El Kadi. L’organisation a saisi en urgence la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression ainsi que le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire. L’organisation a également réuni 16 patrons de rédactions, dont le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov, pour demander sa libération et la fin des entraves contre les médias qu’il dirige. Avant l’énoncé du verdict, les équipes de RSF s’étaient rendues à l’ambassade d’Algérie à Paris pour déposer les 13 000 enveloppes symbolisant les signatures de la pétition #FreeIhsaneElKadi, qui a aujourd’hui dépassé le chiffre de 20 000 signataires.

 

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