Aide à un journaliste haïtien exilé dans son propre pays !

Une attaque armée a été menée, dans la soirée du 10 juillet 2009, contre la résidence de Sainlus Augustin, correspondant de Radio Kiskeya et de La Voix de l’Amérique à Hinche, dans le département du Centre. Selon le journaliste, les menaces émaneraient d'un député candidat au Sénat et viseraient à le réduire au silence suite à sa dénonciation de graves irrégularités lors des élections. Craignant pour sa vie et celle de sa famille, le journaliste qui a été agressé une première fois le 19 avril dernier par les partisans d’un député, a dû s’exiler à Port-au-Prince. Reporters sans frontières a apporté une aide financière au journaliste afin qu'il puisse s'installer en lieu sûr. RSF : Vous êtes réfugié depuis plus d’un mois avec votre famille à Port-au-Prince. Qu’est-ce qui vous a poussé à fuir le département du Centre où vous étiez correspondant de Radio Kiskeya et de La Voix de l’Amérique ? Sainlus Augustin : Cette mésaventure a commencé le 19 avril 2009, le jour des sénatoriales partielles marquées par des scènes de violences et de graves irrégularités dans le département du Centre. Le jour du scrutin, chaque journaliste s’acquittait, naturellement, de ses tâches. En tant que correspondant depuis septembre 2004 de Radio Kiskeya et de la Voix de l’Amérique dans le Haut Plateau Central, je sillonnais, tôt dans la matinée, les rues et les centres de vote de Hinche. Je relatais les différents cas d’irrégularités, dont les retards accumulés, le faible taux de participation, les désordres enregistrés dans les registres électoraux…sur les ondes de Radio Kiskeya. Vers 8 h 20, j’ai convenu de la nécessité de me rendre à Maïssade qui a été considérée par le Conseil électoral provisoire et par la Police régionale comme une zone à risque au même titre que Cerca-La-Source et Cerca-Cavajal. Arrivé dans la localité de Pandiassou, vers 8 h 45, j’ai assisté à une véritable opération de bourrage d’urne en faveur d’un des candidats. J’ai relaté les faits en direct sur les ondes de Radio Kiskeya, sans toutefois révéler le nom du candidat sur les ondes, par crainte de répressions. (...) RSF : Mais, d’où viennent les menaces de mort qui vous ont amené à vous réfugier dans la capitale haïtienne ? Sainlus Augustin : J’ai reçu, quelques jours après, un autre appel téléphonique. Mon interlocuteur me parlait dans un langage codé. « Vous gardez avec vous une chose que je veux récupérer », me disait-il. Dans la soirée du 10 juillet 2009 une attaque armée a été menée contre ma résidence. La Direction de la police judiciaire a récemment diligenté une enquête de deux jours. Les enquêteurs ont pu constater les impacts de balles sur la maison. J’ai dû fuir la ville. De Nan Papaye étant, ma cachette, j’ai été contacté par Guyler C. Delva, secrétaire général de SOS Journalistes qui m’a demandé de venir à Port-au-Prince. Quelqu’un du bureau de presse de l’ambassade américaine m’a aussi appelé. Guyler C. Delva a par la suite dépêché un chauffeur et un policier qui venaient me chercher, ainsi que ma famille. Nous étions logés pendant une dizaine de jours dans un hôtel à la charge de SOS Journalistes qui m’a par la suite payé un appartement. Quelques jours après, mon épouse a accouché au cours du mois d’août dernier. RSF : Aviez-vous déposé une plainte au parquet de Hinche ? Les autorités judiciaires ont-elles données une suite à cette plainte ? Sainlus Augustin : J’ai effectivement déposé une plainte, le 4 juin 2009, au parquet de Hinche contre Roody Joseph qui menaçait, la veille, de me retirer la vie. Quelque vingt jours après le commissaire du gouvernement Pierre Arry Alexis m’a convoqué au parquet. Il prétextait qu’il n’y a pas eu dans ma plainte matière à poursuivre Roody Victor. Le commissaire m’a, par la suite, demandé de reformuler la plainte. Ce que j’ai fait. Aucune suite, malheureusement, n’a été donnée à ma seconde plainte. Ce n’est pas étonnant, car le commissaire du gouvernement qui a été révoqué sous le gouvernement de transition de Gérard Latortue (Ndlr : 2004-2006) a été réinstallé à son poste grâce aux démarches du député Wilot Joseph. C’est le cas aussi pour plusieurs autres membres de l’appareil judiciaire de Hinche. RSF : Y a-t-il d’autres journalistes menacés dans la région ? Les médias ont-ils traités les informations qui vous concernent ? Sainlus Augustin : Il n’y a pas d’autres journalistes menacés. Ils travaillent normalement. La majorité des correspondants ont rapporté ma mésaventure dans la région, sauf quelques-uns qui veulent protéger le député ainsi que son frère. RSF : Pensez-vous revenir un jour à Hinche, votre ville natale ? Sainlus Augustin : Wilot Joseph est couvert par l’immunité parlementaire et se comporte comme un tout puissant dans le département. Autant qu’il est là avec son frère, je ne peux pas rêver de revenir à Hinche. Je ne veux risquer ni ma vie, ni celle ma famille. A Port-au-Prince, ma sécurité n’est pas garantie non plus, puisque Wilot Joseph siège au Parlement et a une résidence à Port-au-Prince. Mais, c’est mieux qu’à Hinche.
Publié le
Updated on 20.01.2016