Afghanistan : 4 journalistes arrêtés et harcelés par les autorités
Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’arrestation de deux journalistes afghans par la Direction nationale de la sécurité et le harcèlement dont l’agence de presse Pajhwok Afghan News fait l’objet.
Pour la deuxième fois en une semaine, un journaliste de la radio Bayan (Parole), Mahboboalah Hakimi, a été arrêté. Sa première interpellation remonte au 1er juillet. Des agents de la Direction nationale de la sécurité (National Department of Security, NDS) sont venus l’interpeller à son domicile à Qalat, dans la province de Zabol (ouest du pays), sous le prétexte d’avoir insulté le président de la République sur sa page Facebook, dans un post qui qualifiait Ashraf Ghani de “mécréant”. Juste avant son arrestation, le journaliste avait pourtant démenti dans une vidéo être l’auteur de cette publication et expliqué que sa page avait été hackée.
Après deux jours de détention, le journaliste est apparu dans une nouvelle vidéo. Dans cet enregistrement réalisé par la NDS, Mahboboalah Hakimi reconnaît sa faute et présente ses excuses au président. Tout juste libéré le 7 juillet, le journaliste a expliqué avoir été torturé et contraint à ces aveux forcés. En se rendant ce matin au siège de la NDS pour récupérer ses effets personnels, il a de nouveau été arrêté.
Le même jour, les agents de la NDS de la province de Khost (ouest du pays) ont perquisitionné le domicile de Farough jan Mangol, le correspondant de l’agence Reuters, et de son frère Seifollah Hayat, le représentant local du Comité pour la sécurité des journalistes. A la suite de cette perquisition sans mandat, les agents de la NDS ont transféré sans ménagement Farough jan Mangol au siège de la Direction de la sécurité avant de le libérer après deux heures d’interrogatoire en disant que c’était une erreur.
D’autre part, la plus grande agence de presse indépendante d’Afghanistan, Pajhwok Afghan News, fait l’objet de pression et de harcèlement depuis la publication, le 22 juin dernier, d’un enquête sur le vol et la vente au Pakistan de 32 ventilateurs destinés aux Afghans atteints de Covid-19. Initialement invité par la Commission pour la culture du parlement pour une consultation, le directeur de l’agence, Danish Karokhel, a en réalité fait l’objet d’un interrogatoire en règle en présence de responsables du ministère de la Santé, qui ont notamment accusé le média d’avoir agit “contre la sécurité nationale”. Le jour suivant, le premier vice-président de l’Afghanistan Amrullah Saleh, a directement accusé l’agence Pajhwok de mensonge dans un tweet : “ AUCUN ventilateur ne manque à l'inventaire du ministère de la Santé à Kaboul ou des provinces. AUCUN. Ne tombez pas dans le piège du mensonge et de la malhonnêteté. Lorsque quelqu'un vous dit que votre nez a été volé par le chat, touchez-vous d'abord le nez avant de vous lancer à la poursuite du chat qui vous regarde. Calmez-vous.”
“Nous demandons au président Ashraf Ghani et au vice-président Amrullah Saleh de respecter la loi sur la presse qu’ils se sont engagés à appliquer, déclare Reza Moini, responsable du bureau Afghanistan de RSF. Les autorités et les responsables sécuritaires du pays doivent respecter cet engagement et la loi dans leurs actions contre “les rumeurs et de fausses informations”. Il est indispensable que les médias puissent faire leur travail sans entraves pour pouvoir informer le public ce qui est entrepris pour lutter contre la corruption et des éventuelles failles existantes.”
Selon la loi, les plaintes émises contre les médias et les journalistes doivent être traitées par la Commission de vérification des délits des médias avant d’être, le cas échéant, transmises à la justice. Ni le parlement, ni le vice-président, ni la Direction nationale de la sécurité n’ont le droit de convoquer, d’arrêter ou de menacer directement des journalistes. Or dans le cas de l’agence Pahjwok, dont le rapport accablant est largement documenté, aucune action officielle n’a été entreprise.
L’Afghanistan se situe à la 122e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.