Reporters sans frontières est consternée d’apprendre la mise en examen d’un journaliste français par un juge luxembourgeois. Le reportage réalisé par Edouard Perrin, qui a permis de mettre en lumière des pratiques de fraude fiscale, relève de l’intérêt général.
La justice luxembourgeoise a annoncé jeudi 23 avril la mise en examen du journaliste français Edouard Perrin dans l’affaire des LuxLeaks. Le parquet a indiqué
dans un communiqué qu’il était reproché au journaliste “d'être co-auteur, sinon complice des infractions commises par l'un des anciens collaborateurs de PwC
(le cabinet PricewaterhouseCoopers, ndr)”. Edouard Perrin, qui travaille pour la société de production Premières lignes, avait signé en 2012 un reportage pour Cash Investigation qui apportait les preuves d’accords signés entre des multinationales et le gouvernement luxembourgeois leur permettant d’échapper à l’impôt dans d’autres pays européens.
Suite à la diffusion de ce reportage en mai 2012, PricewaterhouseCoopers, d’où provenaient les fuites, avait porté plainte auprès de la justice du Luxembourg. L’information judiciaire ouverte avait déjà conduit à la mise en examen de deux anciens collaborateurs de la société, dont celle d’
Antoine Deltour, auditeur français du cabinet, pour “violation du secret des affaires”. Cette nouvelle mise en examen est la troisième et vise cette fois-ci un journaliste.
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La justice luxembourgeoise oublie l’essentiel : les LuxLeaks relèvent de l’intérêt du public, qui a le droit de connaître l’existence des fameux “rulings”, ces accords fiscaux pratiqués par le gouvernement à l’avantage de multinationales. S’agit-il de punir un journaliste qui a donné à voir le scandale, au mépris de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ? Ces méthodes sont indignes d’un pays comme le Luxembourg. Le droit à l’information, pilier de la démocratie, doit primer dans un tel cas”, déclare Lucie Morillon, directrice des programmes de Reporters sans frontières.
Suite à la diffusion de son reportage, Edouard Perrin avait été contacté par l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), une association internationale de journalistes d’investigation basée aux États-Unis. Un travail commun avait alors débouché, fin 2014, sur la publication des LuxLeaks qui, en prouvant l’existence de nombreux accords entre les multinationales et le gouvernement luxembourgeois, ont révélé une fraude fiscale à grande échelle.
Le Luxembourg figure à la 19ème position sur 180 pays au
Classement mondial de la liberté de la presse 2015 publié par Reporters sans frontières, accusant un recul de 15 places par rapport à l’édition 2014.