A l'occasion du 40e anniversaire de l'indépendance de la Gambie, le
18 février 2005, Reporters sans frontières exhorte les enquêteurs gambiens en charge de l'assassinat du journaliste Deyda Hydara à explorer la piste du crime politique. L'organisation demande notamment une enquête sur le groupe se faisant appeler les « Green Boys », responsable de menaces précises contre la presse et qui pourraient être impliqué dans l'affaire Hydara.
A l'occasion du 40e anniversaire de l'indépendance de la Gambie, le
18 février 2005, Reporters sans frontières exhorte les enquêteurs gambiens en charge de l'assassinat du journaliste Deyda Hydara à explorer la piste du crime politique. L'organisation demande notamment une enquête sur le groupe se faisant appeler les « Green Boys », responsable de menaces précises contre la presse et qui pourraient être impliqué dans l'affaire Hydara.
« Cette année, l'ombre d'un odieux assassinat plane sur la fête nationale gambienne, a déclaré Reporters sans frontières. Nous ne comprenons pas que, contrairement aux promesses des autorités au lendemain de la mort de Deyda Hydara, toutes les hypothèses ne soient pas examinées par les enquêteurs. Largement privilégiée par les amis du journaliste, la piste du crime politique n'a jamais été sérieusement examinée par la police, en dépit d'un important faisceau de présomptions. De plus, elle semble exclue par les autorités politiques. »
« Lorsque nous demandons au gouvernement gambien de tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur l'assassinat de Deyda Hydara, nous demandons aussi que les 'Green Boys' soient identifiés, a conclu l'organisation. Pour être considérée comme sérieuse et crédible, l'enquête doit faire la lumière sur la responsabilité de ces militants de l'ombre. Nous disposons aujourd'hui d'éléments suffisants pour que la police les considère comme des suspects dans l'assassinat de notre correspondant. »
Au moins trois fois au cours de l'année 2004, des journalistes gambiens ont été directement menacés par un groupe clandestin se faisant appeler les « Green Boys ». En termes violents et explicites, ce groupe s'est impunément attaqué à plusieurs professionnels des médias. Dénommé dans un premier temps « Mouvement du 22 juillet » en référence au coup d'Etat de Yahya Jammeh, le 22 juillet 1994, ce groupe de jeunes militants du parti présidentiel Alliance for Patriotic Reorientation and Construction (APRC) a été officiellement dissous en 1999. Rebaptisés ensuite « Green Boys » en référence à la couleur verte de l'APRC, les membres de ce mouvement ont, selon des sources locales, été envoyés à la fin des années 90 en Libye pour s'entraîner au maniement des armes et recevoir une formation religieuse. En Gambie, ils ont servi de force d'appui au parti présidentiel.
Le 13 janvier 2004, Alagi Yorro Jallow, directeur du bihebdomadaire The Independent, avait reçu une lettre signée des « Green Boys », lui lançant un « dernier avertissement » à cause de sa couverture du procès de Baba Jobe, ancien homme de confiance du président Jammeh et leader de la majorité au Parlement. « Arrêtez maintenant ou vous ne verrez plus jamais de journal, menaçait la lettre. Nous vous avons aussi prévenu (…) d'être très très très prudent, arrêtez d'écrire des mensonges et d'écrire sur Baba Jobe ou vous le regretterez. » Dans la nuit du 12 au 13 avril, six hommes armés et masqués avaient incendié l'imprimerie de The Independent avant de prendre la fuite. Lors de la séance de l'Assemblée nationale du 23 juillet, le député Hamat Bah, leader du National Reconciliation Party (NRP, opposition), avait affirmé devant ses collègues que deux gardes nationaux, le caporal Sanna Manjang et Sherif Guisseh, avaient participé à l'incendie. Hamat Bah avait également soutenu que le caporal Manjang, brûlé lors de cette attaque, avait été soigné dans la résidence du commandant de la garde présidentielle, le major Bajinka. Aucune suite policière n'a été donnée à ces informations.
Le 7 juillet, Demba Jawo, président de la Gambia Press Union (GPU), le syndicat des journalistes, avait reçu un fax menaçant, sans numéro d'expéditeur, dont Reporters sans frontières détient une copie. Dans ce courrier anonyme, qui prétendait « défendre la Révolution » mais qui ne portait pas de signature, le journaliste était accusé d'être « un agent de l'Ouest », toujours « heureux de taper sur notre bon Président » en colportant des « délires » et des « mensonges ». « Très bientôt nous donnerons à l'un de vos journalistes une très bonne leçon de sorte que vous allez tous apprendre une ou deux choses de lui », menaçait la lettre. « Nous vous prévenons par avance de vous calmer ou nous vous dresserons, concluait-elle. Sûr que vous ne voulez pas voir vos os et votre chair être jetés aux chiens et aux vautours. » Ce courrier de menaces n'a jamais fait l'objet d'une enquête sérieuse.
Le 29 juillet, le siège de la British Broadcasting Corporation (BBC) à Londres avait reçu un e-mail une nouvelle fois signé des « Green Boys », mettant en cause la couverture « partisane » du correspondant de la chaîne en Gambie, Ebrahima Sillah. Dans ce courrier, le groupe affirmait qu'il n'allait pas « rester sagement assis en regardant notre Président être critiqué sans raisons ». Ebrahima Sillah, continuait le message, « a été prévenu plusieurs fois par des menaces téléphoniques, mais il est têtu et il n'a pas écouté. Ceci est un dernier avertissement pour lui ». Dans la nuit du 14 au 15 août, le domicile du journaliste avait été incendié par des inconnus. A ce jour, cette attaque est restée impunie.
Deyda Hydara, un éminent journaliste de 58 ans, marié et père de quatre enfants, a été assassiné par des inconnus au volant de sa voiture dans la soirée du 16 décembre 2004, alors qu'il raccompagnait chez elles deux employées de son journal. Correspondant de Reporters sans frontières depuis 1994, il était l'une des figures les plus respectées du journalisme en Gambie. Cofondateur et codirecteur du trihebdomadaire The Point, par ailleurs correspondant de l'Agence France-Presse (AFP), il avait été l'un des détracteurs les plus véhéments des deux nouvelles lois répressives sur la presse, votées la veille de sa mort par le parlement gambien. Selon plusieurs sources locales, Deyda Hydara avait fait l'objet de menaces anonymes dans les jours ayant précédé son assassinat. Depuis cette date, l'enquête de police n'a absolument rien donné.