Vingt-cinq ans de prison pour avoir fourni une vidéo à la presse turque

Le député d’opposition Enis Berberoğlu a été condamné à 25 ans de prison pour avoir transmis des documents à la presse. Les journalistes Can Dündar et Erdem Gül qui étaient également poursuivis dans l’affaire des révélations sur les livraisons d’armes des services secrets turcs (MİT) à des groupes islamistes syriens ont pour leur part vu leur procès reporté à une date ultérieure. Reporters sans Frontières (RSF) demande l’acquittement des journalistes et dénonce une condamnation injustifiée.

Enis Berberoğlu, député du parti républicain du peuple (CHP), a été condamné à 25 ans de prison pour “espionnage” et écroué dès la fin de l’audience qui se déroulait mercredi 14 juin au palais de justice d’Istanbul. Son crime: avoir fourni au quotidien d’opposition Cumhuriyet une vidéo filmée en janvier 2014 par des gendarmes qui tentaient d’intercepter un convoi d’armes destinés à la rébellion syrienne. Le film révélait l’implication des services secrets.


Rendue publique en mai 2015 par Cumhuriyet , “l’affaire des camions” avait rapidement défrayé la chronique. Remettant en cause la version officielle des autorités turques selon lesquelles les véhicules transportaient de l’aide humanitaire, ces révélations se sont rapidement transformées en affaire d’Etat et ont conduit le président Recep Tayyip Erdogan à dénoncer un “complot” destiné à le faire tomber.


A l’origine de la publication, le rédacteur en chef du journal Cumhuriyet, Can Dündar, et le chef du bureau à Ankara, Erdem Gül, ont été accusés de “divulgation de secrets d’Etat”, “soutien à une organisation terroriste” et d’“espionnage”. Leur cas, qui étaient également examinés le 14 juin par le tribunal d’Istanbul, a finalement été dissocié de celui d’Enis Berberoğlu et leur procès a été ajourné.


Réagissant à la condamnation et à la décision du tribunal d’Istanbul, Can Dündar qui est aujourd’hui en exil en Allemagne, a déclaré à RSF: “Le palais de justice est sous le contrôle total du palais présidentiel. Je continue à défendre ma publication, à défendre la vérité. Nous ne sommes pas ceux qui doivent être jugés. C’est le président Erdoğan et les services secrets qui doivent l’être.


De son côté, RSF dénonce “une condamnation disproportionnée qui s’apparente à une forme de revanche politique de la part des autorités turques” et demande l’acquittement des charges qui pèsent contre les journalistes. L’organisation rappelle que “l’accusation pour soutien à une organisation terroriste est non seulement totalement infondée mais témoigne aussi de la criminalisation persistante du journalisme en Turquie.


La Turquie occupe la 155e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2017 par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016 : près de 150 médias ont été fermés, plus de 100 journalistes sont emprisonnés et plus de 775 cartes de presse ont été annulés.

Publié le
Updated on 16.06.2017