Un journaliste kurde condamné à 21 ans de prison

"La liberté d'expression doit s'étendre une fois pour toutes à la presse pro-kurde", a reitéré Reporters sans frontières, après la condamnation à une forte peine de prison d'un journaliste en Turquie. "La disproportion entre les faits reprochés – l'expression d'opinions qui peuvent être contestées – et la peine appliquée est frappante. Ce n'est pas en banissant l'expression démocratique des revendications minoritaires que la République turque pourra venir à bout de la violence extrémiste". Le 9 février, Ozan Kilinç, propriétaire et rédacteur en chef du seul quotidien en langue kurde, Azadiya Welat, a été condamné par contumace à 21 ans et 3 mois de prison, et privé de ses droits civiques. Dès la troisième audience du procès, la 5e chambre de la cour d'assises de Diyarbakir l'a reconnu coupable de "propagande en faveur du PKK" et de "crime commis au nom de l'organisation", sans même qu'il en soit membre. Ozan Kilinç devient ainsi la dernière victime de la Loi antiterroriste N°3713 (LAT), formidable outil répressif entre les mains des franges conservatrices de l'Etat turc. Selon le site d'information spécialisé sur les questions de droits de l'homme Bianet.org, 47 personnes, dont 22 journalistes, ont été jugées en vertu de cette loi en 2009. Les condamnations prononcées totalisent 58 ans de prison et 9 740 livres turques (environ 4 640 euros) d'amendes. Le rédacteur en chef d'Azadiya Welat était aussi inculpé en vertu de l'article 220 du nouveau code pénal ("propagande d'une organisation à visée criminelle"). Suivant en tous points le réquisitoire du procureur, la cour présidée par le juge Dündar Örsdemir a condamné le journaliste pour douze numéros différents du journal publiés depuis juin 2009. En revanche, elle n'a pas rendu publics les contenus qui étaient considérés comme faisant l'éloge du PKK. "Prononcer une condamnation pour chacun des numéros est contraire au droit", a déclaré l'avocat du journaliste, Servet Özen. "Nous sommes déterminés à faire appel de cette décision injuste". La cour de cassation ne rendra pas sa décision avant six mois. Mais un mandat d'arrêt a d'ores et déjà été lancé contre Ozan Kilinç. La lourdeur des peines prononcées, tout comme le refus de la cour de les convertir en amende ou d'accorder un sursis, témoignent de l'acharnement constant de la justice contre Azadiya Welat depuis sa création en 1994. Les autorités ont toujours amalgamé ce journal, militant pour les droits de la minorité kurde, avec le PKK. Son ancien rédacteur en chef, Hamdullah Yilmaz, a fui le pays après le lancement de 21 procès à son encontre. Son directeur de publication, Tayyip Temel, a été condamné à un an et deux mois de prison en vertu de la LAT. Un autre ancien rédacteur en chef du journal, Vedat Kursun, est depuis plus d'un an en détention provisoire à Diyarbakir. La prochaine audience de son procès pour "propagande en faveur du PKK" et "appartenance à une organisation illégale" doit se tenir le 18 février. Deux autres procès sont toujours en cours contre Ozan Kilinç, qui avait déjà été condamné à cinq ans de prison pour le même motif.
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Updated on 20.01.2016